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Tamanrasset, dans le Hoggar, ou il devait etre assassine par des pillards, alorsqu'il jouissait de la veneration de tous les indigenes.
Apres un long, voyage, le P. de Foucauld a decide de s'arreter et de s'installer
dans cet humble village du Hoggar.
Solitude totale, impressionnante! Le peloton1 qui l'accompagnait est
reparti, A 1500 kilometres de Beni-Abbes2 a 700 kilometres d'In-Salah1
l'Ermite est absolument seul au milieu des indigenes, sans relation avec la
France que4 le hasard de quelque caravane, sans possibilite d'aucun secours
materiel ni spirituel. "Faire tout mon possible pour le salut des peuples
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infideles de ces contrees, dans un oubli total de moi", ecrit-il dans ses
notes le jour de son arrivee. L'oubli total de soi! Quoi de plus necessaire
pour qui veut essayer de temoigner du Christ parmi des hommes violents,
cruels, pleins de convoitises de toutes especes, de vrais barbares encore!
Lui, le saint, de quelles armes dispose-t-il? Il l'avoue lui-meme:
uniquement de la priere et de la penitence. C'est par son exemple qu'il
gagnera leur c?ur.
Et le miracle se produit en effet. Comme aBeni-Abbes, il a construit son
ermitage avec les materiaux du pays, un petit groupe de cabanes mi-
serables; comme a Beni-Abbes encore, il couche sur une claie de roseaux
portee par deux murets" et il mange une triste bouillie de farine d'orge et de
dattes ecrasees, fade a vomir. Lever de nuit, longs offices, prieres et visites
de charite: ainsi se passent ses journees. Il a parle aux cultivateurs; il
a soigne des malades; aux femmes, il a appris a coudre avec des aiguilles
au lieu des epines dont elles se servaient. Peu a peu, on vient le voir. On lui
demande un conseil, un arbitrage, un remede. A tous il parle de Dieu, tres
simplement, et on l'ecoute. Le role admirable qu'il a joue a Beni-Abbes, en
plein c?ur du Hoggar il le joue de meme et avec le meme bonheur*.
Neuf ans vont passer ainsi. Neuf annees de silence et de travail obscur.
Peu d'incidents saillants au c?ur de tant de journees de patience sainte. Le
depart de son ancien baptise Paul, qui l'avait suivi et dont la sante
a chancele, a failli l'empecher de dire sa messe, mais l'autorisation est
arrivee de celebrer le Sacrifice sans servant, et le solitaire a pu continuer a
avoir sa grande consolation. Une fois, il manque de mourir d'une piqure de
vipere a cornes (elles pullulent tant qu'il faut surelever de 70 centimetres le
seuil de l'ermitage pour leur interdire l'acces) et il a subi le terrible remede
des Touareg, la cauterisation au fer rouge de la plaie. Une autre fois
encore, la mort le frole, car il est si epuise par les jeunes et les fatigues qu'il
a des defaillances: il faut que Laperrine6, prevenu, lui envoie des vivres et
l'ordre de manger.
Trois fois, pour de tres brefs sejours, il revient en France, la derniere ел
amenant un jeune chef de tribu, pour qu'il puisse parler a ses compatriotes
de ce qu'il aura vu. Mais a peine debarque, il a hate de repartir. L'Afrique,
la fascinante Afrique, voila son horizon, et son vrai destin est parmi ceux
qui, maintenant, l'aiment comme un des leurs (...).
Le veritable chef spirituel de ce pays7, n'est-ce pas lui, l'ermite desarme?
De loin a la ronde, on vient le consulter. Son nom est sur toutes les levres,
de tente en tente, de tribu en tribu. Des conversions au Christ, en a-t-il fait?
Mais n'a-t-il pas annonce lui-meme qu'il ne serait que l'avant-garde du
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Seigneur? Il a donne son temoignage; il a appris a ces hommes qui
ignoraient tout du Christ, ce qu'est un Serviteur de Sa parole. Il suffit. Le
premier sillon est ouvert: le champ suivra**.
DAN1EL-ROPS. Les Aventuriers de Dieu (1951),
Примечания:
1. Взвод, небольшой кавалерийский отряд. 2. Бени-Аббес, деревня в Сахаре па
восточном краю Большого Эрга, где Шарль де Фуко жил долгое время. 3 Оазис
в алжирской Сахаре. 4. Sans autre relation que... 5.Он спал на плетеной из тростника
циновке, закрепленной между дв}мя невысокими стенками 6. Офицер. которому
было поручено управление сахарскими оазисами. 7. В горах Хоггар или Ахаггар
Вопросы:
* Comparez l'attitude de S. de Braiza et celle du P de Foncauld envers les indigenes
** Que signifie exactement cette metaphore?
FERDINAND DE LESSEPS (1805-1894)
II faut reconnaitre a Ferdinand de Lesseps au moins deux qualites: la foi dans
l'?uvre entreprise et la tenacite pour la mener a terme. Car celui qui devait
percer tout un continent -pour reunir la Mediterranee a la mer Rouge, n'eut
pas seulement des difficultes materielles a vaincre: son projet se heurtait
egalement a des adversaires qui ne lui menagerent pas les embuches... Mais
rien n'arreta le pere du canal de Suez: a ses yeux, cette ?uvre grandiose devait
etre le lien, le symbole de la fraternite humaine.
Le Khedive (ou vice-roi) Ismail Pacha, desireux de donner un retentissement
mondial a l'ouverture du canal de Suez, avait convie plusieurs souverains aux
ceremonies d'inauguration. C'est pour repondre a cette invitation qu'Eugenie,
femme de Napoleon III et Imperatrice de France, avait gagne l'Egypte a bord d'un
yacht pompeusement baptise "L'Aide".
L'imperatrice passe la nuit a bord de son yacht qui, le lendemain matin,
a 8 heures, s'engage dans le canal. "Le Greif", qui porte l'Empereur
d'Autriche et le Prince heritier de Prusse, suit "L'Aigle" puis c'est le
Khedive a bord de son yacht, "Le Maroussah", le Prince de Hollande
a bord d'un vaisseau hollandais et 60 navires de tous genres, de tous bords,
de tous tonnages... Chacun porte le grand pavois, et c'est un long ruban
multicolore qui se deroule au milieu des sables du desert.
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Ferdinand de Lesseps a ete invite par l'Imperatrice a rester a ses cotes
a bord de "L'Aigle"... Au bout d'un moment, sans souci du protocole, il
s'endort dans le fauteuil ou il s'est assis... C'est qu'il a passe une mauvaise
nuit... La veille, en grand secret, un de ses collaborateurs est venu l'avertir
qu'un rocher, qui a echappe a tous les sondages et dragages, vient de
provoquer un accident au milieu du canal: un petit batiment egyptien
charge d'eclairer la route est venu se briser sur ce rocher et de telle maniere
que le cortege officiel ne pourra passer... Mais ce n'est pas au moment ou
tous ses efforts vont recevoir leur recompense qu'un homme comme
Ferdinand de Lesseps se decourage. Il a donc immediatement pris ses
dispositions, donne ses ordres pour que le programme fixe puisse se
derouler jusqu'au bout... Il faut que "L'Aigle" passe, et derriere lui les
68 vaisseaux qui prouveront a l'univers que le desert est vaincu, que la
Mediterranee est unie a la mer Rouge autrement que sur le papier... Repris
par son optimisme, Lesseps en arrive meme a se feliciter de cet accident.
Que serait-il arrive en effet si c'etait "L1 Aigle" qui fut venu se briser sur ce
rocher? Toute la nuit on a travaille... Et, avant que le signal du depart ait
ete donne au cortege officiel, Ferdinand de Lesseps a appris que le bateau
echoue a pu, a bras d'hommes, etre tire jusqu'a la rive et que l'on a fait
sauter a la dynamite le malencontreux rocher. Le passage est libre... Une
fois de plus, l'ancien diplomate a eu raison d'etre optimiste... Une fois de
plus la chance s'est trouvee a ses cotes comme elle s'y est trouvee le 171 au
matin quand, apres une journee et une nuit de pluie ininterrompue, le soleil
s'est leve radieux pour eclairer la premiere ceremonie prevue, la
benediction du canal... L'Imperatrice, qui ignore tout des alarmes que son
cousin a traversees pendant les dernieres heures, l'admire de conserver son
calme, d'etre maitre de ses nerfs au point de pouvoir prendre quelques
instants de repos alors que, de toutes parts, les acclamations montent vers
lui...
Les populations des villes, des villages du voisinage, des campements
qui sont nes la comme des champignons, se pressent en effet sur les deux
rives. L'Imperatrice leur sourit, leur adresse des saints de la main et elle
sent monter des larmes a ses yeux quand, dans la rumeur qui l'enveloppe,
elle distingue le nom de la France et celui de Bounaberdi2.
"Comme c'est beau!., murmure-t-elle... Comme c'est beau!.."
A 11 heures 1/4, le cortege arrive a Raz-el-Ech, a 14 kilometres de
Port-Said, a midi et demi, a Kantara, puis, par EI-Ferdane, El Guisr, on
atteint le lac Tim-sah et l'on s'arrete a Ismailia3, ou l'on passera la nuit...
Soixante mille personnes sont accourues. Pour que cette foule ne
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couche pas u la belle etoile, le Khedive a mis a sa disposition mille tentes,
et, pour qu'elle ne meure pas de faim, deux cents tables ou chacun peut
boire et manger gratuitement, et pour l'entretien desquelles un credit de
deux millions a ete ouvert a un restaurateur du Caire. Un palais qui
a feeriquement surgi des sables accueille le Khedive et ses invites qu'un
banquet reunit a la fin de la journee. A l'issue de ce banquet, M. de Lesseps
recoit des mains de l'Imperatrice la grand-croix de la Legion d'honneur et
des mains d'ismail la grand-croix de l'Osmanie4, pendant que dans la nuit
de velours eclate un feu d'artifice auquel succede un bal ou, sur des
rythmes de Strauss et de Metra5, cinq mille danseurs et danseuses valsent
jusqu'au matin.
Le lendemain 19 novembre, le cortege qui s'egrene dans le sillage de
"L'Aigle" quitte Ismailia a midi et demi, passe a Toussorn et a Serapeum
et atteint les lacs Amers a 4 heures et demie. Le 20 sera le dernier jour do
navigation a travers le desert: parti a 7 heures 1/4, on arrive a l'entree de la
mer Rouge quatre heures plus tard. Le canal a ete parcouru de bout en
bout,... Les 68 navires qui constituent la flotte imperiale et khediviale ont,
de Port-Said a Suez, parcouru sans accident ni incident l'itineraire que
suivront les paquebots, les cargos qui, d'Europe, voudront desormais aller
vers Aden et l'Ethiopie, vers l'Inde et la Birmanie, vers Madagascar et le
Transvaal, vers le Japon et l'Australie, vers l'Indochine et vers Java
L'Europe est directement reliee a l'Asie*.
RENE JEANNE. Ferdinand de Lesseps (1942)
Примечания:
1. 17 ноября 1869 г. 2. Имя, данное на востоке Бонапарту. 3. Город на Синайском
полуострове, названный в честь хедива (вице-короля) Египта Исмаила-паши. 4. Ту-
рецкий орден, учрежденный в 1861 г. 5 Композиторы, авторы знаменитых вальсов
Вопросы:
* Suшмуя ыur une carte les etapes du cortege Puis demontrez les avantages enormes qui
representait l'ouverture du (anal pour les peuples du monde entier
HESITATIONS DE PASTEUR (1822 1895)
De tous les savants francais. Pasteur est sans aucun doute le plus populaire.
C'est que ses decouvertes ont sauve des milliers et des milliers de vies
humaines en revelant la cause des maladies contagieuses et les moyens de les
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prevenir. Il serait donc vain de faire le panegyrique de celui qui, entre autres
titres de gloire, parvint le premier a prevenir la rage apres morsure de chien
enrage. Mais ce qu'il faut souligner, parce qu'on le sait moins peut-etre, c'est
l'admirable conscience de l'illustre biologiste: ses scrupules, au moment ou il
experimenta son traitement sur le petit Meister, qui venait d'etre mordu par un
chien enrage, montrent qu'en lui le savant n'avait point etouffe l'homme.
Pasteur est face a face avec cet enfant qui, dans quelques jours, va
mourir. Il hesite...
Lui qui, au cours de sa vie, a eu toutes les audaces, qui s'est, attaque aux
plus grands des, savants et aux theories les plus solidement etablies, lui qui
a detruit les dogmes scientifiques dont vivait l'humanite1 lui qui a brise les
idoles et qui seul a secoue les colonnes du temple, le voila qui, pour la
premiere fois, hesite.
"La seance hebdomadaire de l'Academie des sciences, a ecrit Pasteur,
avait precisement lieu le 6 juillet; j'y vis notre confrere M. le docteur
Vulpian, a qui je racontai ce qui venait de se passer. M. Vulpian ainsi que
le docteur Grancher, professeur a la Faculte de Medecine, eurent la
complaisance de venir voir immediatement le petit Joseph Meister et de
constater l'etat et le nombre de ses blessures. Il n'en avait pas moins de
quatorze.
"Les avis de notre savant confrere et du docteur Grancher furent que,
par l'intensite et le nombre de ses morsures, Joseph Meister etait expose
presque fatalement a prendre la rage. Je communiquai alors a M. Vulpian
et a M. Grancher les resultats nouveaux que j'avais obtenus dans l'etude de
la rage depuis la lecture que j'avais faite a Copenhague, une annee
auparavant.
"La mort de cet enfant paraissant inevitable, je me decidai, non sans de
vives et cruelles inquietudes, on doit bien le penser, a tenter sur Joseph
Meister la methode qui m'avait constamment reussi sur les chiens."
Les inoculations furent faites chaque jour du 7 au 16 juillet. On
commenca par la moelle de quatorze jours2 pour finir par celle de un jour.
"Le soir de cette epreuve redoutable, a ecrit Rene Vallery-Radot, le
petit Meister, apres avoir embrasse son "cher monsieur Pasteur", comme il
l'appelait, alla dormir paisiblement. Pasteur passa une nuit cruelle.
L'insomnie, qui epargne d'ordinaire les homm,es d'action, ne menage pas les
hommes de pensee. Ce mal les etreint. A ces heures lentes et sombres de la
nuit ou tout est deforme, ou la sagesse est en proie aux fantomes, Pasteur,
hors de son laboratoire, perdant de vue l'accumulation d'experiences qui lui
donnaient la certitude du succes, s'imaginait que cet enfant allait mourir".
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Seule, Mme Pasteur ne douta jamais.
Le traitement du petit Meister acheve, Pasteur, brise par trop
d'emotions, consent a prendre quelques jours de repos avec sa fille et son
gendre dans un coin du Morvan.
Mais la pensee de l'enfant le hante. Chaque matin, il attend fievreuse-
ment la lettre ou le telegramme de Grancher qui donnera des nouvelles de
Meister. Il passe des heures silencieuses a marcher, aux cotes de son
gendre, dans la solitude des bois.
Cependant, les jours passent. Pasteur se rassure. Le petit Meister est
sauve*!
PASTEUR VALLERY-RADOT. Pasteur (1938)
Примечания:
l.Пacтep был создателем микробиологии. 2. Пастер прививал больным вытяжку
из спинного мозга кролика, зараженного бешенством, вирулентность (болезнетворная
способность) которого ослаблена с помощью специальных методов. La moelle de 14
jours .- спинной мозг, выдерживавшийся для такого ослабления в течение 14 дней.
Вопросы:
* Qu'y a-t-il de pathetique dans ce recit?
LES FRERES LUMIERE
Le cinema a pris une telle importance dans notre vie que nous avons peine a
imaginer qu'en somme il date d'hier: plus precisement de ce jour de la fin du siecle
dernier, ou deux Francais, les freres Lumiere, presenterent, dans le sous-sol d'un
cafe de Paris, le premier spectacle cinematoeraphique qui put se voir au monde.
La premiere seance publique payante de cinema eut lieu le 28 decembre
1805. D'un cote de la porte conduisant au Salon Indien du Grand-Cafe
etait placardee une grande affiche lithographique representant une foule
distinguee, parmi laquelle des elegants en haut de forme2, qui faisait la
queue pour penetrer dans la salle du "Cinematographe Lumiere".
De l'autre cote, une seconde affiche donnait le programme de la seance:
Г Sortie de l'usine Lumiere a Lyon.
2° Querelle de bebes.
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3° Les poissons rouges.
4° L'arrivee d'un train.
5° Le regiment.
6° Le marechai-f errant.
7° La partie d'ecarte.
8° Mauvaises herbes.
9° Le mur.
10° La mer.
Antoine Lumiere et ses deux fils3, ceux-ci vetus d'une jaquette
cintree - le dernier cri de la mode - l'?il fievreux, la moustache dressee,
se tenaient au controle.
Dans la cabine de projection, le chef mecanicien de Monplaisir4,
Moisson, tournait la manivelle, tandis qu'un de ses collaborateurs reglait
l'eclairage de la lampe et reenroulait les bandes a mesure qu'elles avaient
ete projetees.
Le prix des places avait ete fixe a un franc pour un spectacle d'une
duree de vingt minutes - chacune des dix bandes projetees avait une
longueur de 16 a 17 metres.
La veille au soir, avait eu lieu une repetition generale a laquelle les
Lumiere avaient convie les membres de la presse et quelques personnalites
parisiennes, dont le prestidigitateur Georges Melies, directeur du theatre
Robert-Houdin, et plusieurs autres directeurs de salles.
Une fois parvenus au bas de l'escalier qui menait au Salon Indien, les
invites se trouverent dans une salle longue, garnie de fauteuils, eclairee par
deux rangees de becs de gaz. Dans le fond etait tendu un petit ecran
semblable a ceux utilises pour les projections de lanterne magique.
Lorsque les lumieres eurent ete eteintes, apparut sur l'ecran une vue de
la place Bellecour5. Quelques invites firent la moue.
"C'est pour nous faire voir des projections qu'on nous derange! dit
Melies6 a l'oreille de son voisin... Mais j'en fais depuis plus de dix ans!"
Mais brusquement s'avanca un cheval trainant un lourd tombereau et
suivi d'autres voitures. Puis survinrent des passants qui marchaient,
remuaient les bras, la tete, parlaient, riaient... Toute l'animation de la rue
soudain ressuscitee apparaissait sur le petit ecran avec une intensite
inimaginable.
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Quelques spectateurs pousserent des exclamations de surprise. Les
autres resterent bouche bee, muets d'etonnement.
Quand, du fond de la place Bellecour, surgit une charrette lancee au
galop qui se dirigeait a toute vitesse vers la salle, des spectateurs firent
instinctivement le geste de se ranger. Plusieurs dames se leverent d'un bond
et ne se deciderent a se rasseoir que lorsque la voiture eut tourne et disparu
sur le cote de l'ecran.
On sourit quand apparut le "Bebe mangeant sa soupe", mais aussitot
tout le monde chuchota:
"Oh! regardez les arbres du fond! Leurs feuilles bougent au vent."
Cela semblait si merveilleux, si extraordinaire!.. Non, tous ces gens
n'avaient jamais vu de feuilles bouger de cette facon, jamais des arbres ne
leur avaient paru si vivants. Ils avaient l'impression de decouvrir tout
a coup un monde insoupconne.
A la projection du "Marechal-Ferrant", on cria au miracle quand une
large colonne de vapeur blanche s'echappa de l'eau dans laquelle l'ouvrier
venait de plonger un fer rouge battu sur l'enclume.
Puis ce fut la saisissante "Arrivee d'un train en gare", puis "La Mer",
ou l'enthousiasme atteignit le delire.
"Cette mer, ecrivait un journaliste, est si vraie, si coloree, si remuante;
ses baigneurs et ses plongeurs qui remontent, courent sur la plate-forme
piquent des tetes, sont d'une verite merveilleuse*!"
La seance terminee, lorsque la lumiere revint, tout le monde etait dans
le ravissement. On applaudissait, l'ahurissement etait peint sur tous les
visages, on criait, on s'interpellait: