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Список литературы по разделу

 не внешнем, войны, которые она вела против коалиции европейских
 государств, усиливали патриотическое воодушевление граждан. Им-
 перия же, прежде чем рухнуть после Ватерлоо (1815), сумела дать
 стране административный аппарат, успешно действовавший больше
 столетия, и одержала достаточно много славных побед, чтобы \
 Франции появилось сознание того, что она является великой державой.
  Само собой разумеется, при последующих режимах - Реставра-
 ции, июльской монархии, Второй империи - было не так уж много
 столь же славных дат. Более того, капитуляция Франции при Седане
 (4 сентября 1871 г.), приведшая к потере Эльзаса и Лотарингии, была
 воспринята как национальная трагедия. Но Третья республика сумела
 расширить французское влияние в мире, а в 1919 г. вернуть обе про-
 винции, утраченные в 1871 г.; она также укрепила целостность тер-
 ритории и заставила уважать Францию во всех уголках Земли.
  Однако вторая мировая война стала для нее крахом; поражение
 1940 г. (частично, скажем так, сглаженное в 1944 г.) ослабило матери-
 альную мощь страны. Но все указывает на то, что она сможет возро-
 диться, как уже неоднократно бывало с нею на протяжении ее долгой
 истории.
 
 VERCINGETORIX
 (52 avant J.- С.)
 Inutile de nier ou de regretter ce que la Gaule doit a la conquete romaine.
 Pourtant, comment ne pas admirer sa resistance acharnee et ce chef mal-
 heureux, qui, dans des conditions impossibles, a tente de realiser l'unite de la
 nation ?
 Si donc, aux yeux des doctes. Cesar est le fondateur involontaire de l'Unite
 francaise, Vercingetorix est cher aux enfants de France, comme notre premier
 patriote, notre premier resistant.
  Devant le camp, a l'interieur des lignes de defense, avait ete dressee
 l'estrade du proconsul1, isolee et precedee de marches, semblable a un
 sanctuaire. Au-devant, sur le siege imperial. Cesar se tenait assis, revetu du
 manteau de pourpre. Autour de lui, les aigles des legions2 et les enseignes
 soldat gaulois mourant, des cohortes , signes visibles des divinites protec-
 trices de 1 armee romaine. En face de lui, la montagne que couronnaient les
 remparts d'Alesia3 avec ses flancs couverts de cadavres (...). Comme
 spectateurs, quarante mille legionnaires debout sur les terrasses et les tours,
 entourant Cesar d'une couronne armee. A l'horizon enfin, l'immense
 encadrement des collines, derriere lesquelles les Gaulois fuyaient au loin.
  Dans Alesia, les chefs et les convois d'armes se preparaient: Cesar allait
 recevoir, aux yeux de tous, la preuve palpable de la defaite et de la
 soumission de la Gaule.
  Vercingetorix sortit le premier des portes de la ville, seul et a cheval.
 Aucun heraut ne preceda et n'annonca sa venue. Il descendit les sentiers de
 la montagne, et il apparut a l'improviste devant Cesar.
  Il montait un cheval de bataille, harnache comme pour une fete. Il
 portait ses plus belles armes; les phaleres4 d'or brillaient sur sa poitrine. Il
 redressait sa haute taille, et il s'approchait avec la fiere attitude d'un
 vainqueur qui va vers le triomphe.
  Les Romains qui entouraient Cesar eurent un moment de stupeur et
 presque de crainte, quand ils virent chevaucher vers eux l'homme qui les
 avait si souvent forces a trembler pour leur vie. L'air farouche, la stature
 superbe, le corps etin-celant d'or, d'argent et d'email, il dut paraitre plus
 grand qu'un etre humain, auguste comme un heros: tel se montra Decius,
 lorsque, se devouant aux dieux pour sauver ses legions, il s'etait precipite
 a cheval au travers des rangs ennemis.
 53
 
  C'etait bien, en effet, un acte de devotion religieuse, de devouement
 sacre, qu'accomplissait Vercirigetorix. Il s'offrit a Cesar et aux dieux
 suivant le rite mysterieux des expiations volontaires.
  Il arrivait, pare comme une hostie. Il fit a cheval le tour du tribunal,
 tracant rapidement autour de Cesar un cercle continu, ainsi qu'une victime
 qu'on promene et presente le long d'une enceinte sacree. Puis il s'arreta
 levant le proconsul, sauta a bas de son cheval, arracha ses armes et ses
 phaleres, les jeta aux pieds du vainqueur: venu dans l'appareil du soldat, il
 se depouillait d'un geste symbolique, pour se transformer en vaincu et se
 montrer en captif. Enfin il s'avanca, s'agenouilla, et, sans prononcer une
 parole, tendit les deux mains en avant vers Cesar, dans le mouvement de
 l'homme qui supplie une divinite.
  Les spectateurs de cette etrange scene demeuraient silencieux. L'eton-
 nement faisait place a la pitie. Le roi de la Gaule s'etait desarme lui-meme,
 avouant et declarant sa defaite aux hommes et aux dieux. Les Romains se
 sentirent emus, et le dernier instant que Vercingetorix demeura libre sous
 le ciel de son pays lui valut une victoire morale d'une rare grandeur.
  Elle s'accrut encore par l'attitude de Cesar: le proconsul montra trop
 qu'il etait le maitre, et qu'il l'etait par la force. Il ne put toujours, dans sa
 vie, supporter la bonne fortune avec la meme fermete que la mauvaise.
 Vercingetorix se taisait: son rival eut le tort de parler, et de le faire, non
 pas avec la dignite d'un vainqueur, mais avec la colere d'un ennemi. Il
 reprocha a l'adversaire desarme et immobile d'avoir trahi l'ancien pacte
 d alliance, et il se laissa aller a la faiblesse des rancunes banales.
  Puis il agrea sa victime, et donna ordre aux soldats de l'enfermer, en
 attendant l'heure du sacrifice*.
  CAMILLE JULLIAN. Vercingetorix (1901 ).
 Примечания:
  1. То есть Цезаря. 2. Войсковая единица в римской армии. 3. Крепость недалеко от
 Дижона, в которой засел с галльским войском Верцингеторикс и которую осаждал
 Цезарь. 4. Металлические украшения в форме пластинок или блях, служившие знака-
 ми воинского отличия в римской армии.
 Вопросы:'
 * On etudiera, dans ce recit, les elements gui en constituent le pittoresque et le
 pathetique.
 54
 
 SAINT LOUIS (1215-1270) REND
 LA JUSTICE AU BOIS DE VINCENNES
 Saint Louis est le seul roi de France qui ait ete canonise. C'est assez dire les
 services eclatants qu'il rendit a la Chretiente, tant par sa participation aux
 deux dernieres croisades que par son amour de la justice et de la paix. N'est-
 ce pas lui qui soutenait, contre son entourage: "Je veux ceder ce territoire au
 roi d'Angleterre, pour mettre amour entre mes enfants et les siens"?
 Peu d'hommes ont su mieux evoquer cette noble figure que le sire de JO1N-
 VILLE, qui fut longtemps le compagnon du souverain et, en 1305, ecrivit
 l'histoire du saint roi.
  Souvent* en ete il allait s'asseoir au bois de Vincennes apres la messe,
 s'adossait a un chene et nous faisait asseoir autour de lui. Tous ceux qui
 avaient une affaire venaient lui parler sans etre empeches par un huissier ni
 personne d'autre. Et alors il demandait de sa propre bouche: "Y a-t-il
 quelqu'un ici qui ait un litige1?" Ceux qui avaient un litige se levaient; et il
 disait: "Taisez-vous tous, et l'on vous jugera les uns apres les autres." Et
 alors il appelait monseigneur Pierre de Fontaine et monseigneur Geoffroy
 de Villete et disait a l'un d'eux: " Jugez-moi ce litige."
  Et quand il voyait quelque chose a amender dans les paroles de ceux qui
 parlaient pour lui ou dans les paroles de ceux qui parlaient pour autrui, il
 l'amendait lui-meme de sa propre bouche. Je l'ai vu quelquefois, en ete,
 venir pour juger son monde, au Jardin de Paris2, vetu d'une cotte de
 camelot3 avec une tunique en tiretaine sans manches, une echarpe de
 cendal4 noir autour du cou, tres bien peigne et sans coiffe5 et un chapeau de
 plumes de paon blanc sur la tete. Il faisait etendre un tapis pour nous
 asseoir autour de lui; et tous les gens qui avaient affaire a lui etaient debout
 autour de lui; et alors il les faisait juger comme je vous ai dit a propos du
 bois de Vincennes*. (Texte mis en francais moderne).
  JOINVILLE. Histoire de Saint Louis.
 Примечания:
  1. Имеются в виду жалобы на королевских чиновников, что подтверждается и нача-
 лом следующего абзаца. 2. На острове Сите. 3. La cotte - род кафтана, иногда без рука-
 вов. Le camelot - шерстяная ткань, камлот. Le tiretain - грубое сукно. 4. Шелковая
 ткань. 5. Род камилавки, круглой шапочки без полей, надевавшейся иногда под шляпу.
 Вопросы:
 *Quc'ls details font; ressortir la simplicite du roi?
 55
 
 JEANNE D'ARC, OU LE REFUS
 D'ABDIQUER (1412-1431)
 Defoules les figures de l'histoire de France, il n'en faut pas chercher de pi их
 touchante ni de plus populaire que celle de Jeanne d'Arc. Et son epopee,
 depuis les voix entendues par la petite bergere de Domremy, jusqu 'au supplice
 final, est inscrite dans tous les esprits et dans tous les c?urs, et bien au-dela
 des frontieres de France.
 Entre tant d'episodes emouvants, il en est un qui, a tres juste titre, a retenu
 .l'attention et inspire le beau talent de THIERRY MAULNIER: celui ou la jeune
 fille, apres avoir abjure de force devant le tribunal, reprend peu .a peu
 conscience d'elle -meme et retourne a cette irresistible vocation ou l'appelle
 "l'autre Jeanne", la Jeanne qui n'a 'point trahi, la Jeanne qui refuse
 d'abdiquer....
 Dans le cachot, Jeanne, ayant abjure, entend la voix de sa conscience qui parle et
 qui la rappelle a son devoir. D'au ces personnages: Jeanne et l'Autre Jeanne.
  L'AUTRE JEANNE. - Regarde-moi. Je suis celle qui a trouve la France
 sur sa croix et qui l'a declouee, et par qui est venu pour elle le jour de la
 Resurrection. Je suis celle que tu es.
  JEANNE. - Celle-la, je l'ai reniee par desarroi, par fatigue et par peur du
 feu. Tout est fini.
  L'AUTRE JEANNE. - Je suis celle que tu es dans des millions d'yeux qui
 te contemplent. Je t'appelle a moi et je te soutiendrai dans tout ce qui te
 reste a faire. Ta verite, c'est la legende*. Ta legende te reclame pour te
 garder jusqu'a la fin des temps. Le moment est venu de ressembler a celle
 que tu es dans le c?ur des hommes. Le moment est venu de me ressembler.
 Debout!
  JEANNE. - Mes Francais m'accueillaient a genoux dans les villes et
 m'acclamaient apres les batailles, et remerciaient Dieu de ce que je leur
 avais ete envoyee. Maintenant, ils m'injurient dans les rues de Rouen,
 quand j'y passe avec ceux qui me gardent, et disent que si j'ai fait
 soumission, c'est que je ne venais pas de la part de Dieu.
  L'AUTRE JEANNE. - Dans les bourgs et dans les campagnes on croit qu'une
 fausse Jeanne a ete prise a Compiegne et jugee a Rouen, car tu ne peux ni faillir
 ni faiblir, car tu es invincible1 etant.guidee par les Anges: et l'on prie pour toi et
 l'on t'attend. Que dira la France quand elle saura que tu t'es reniee?
 56
 
 JEANNE. - Je croyais que mon roi viendrait jusqu'a Rouen avec son
 armee pour me delivrer par force, ou qu'il offrirait rancon pour moi. De
 mon roi aussi je suis abandonnee.
  L'AUTRE JEANNE. - Ton roi n'est roi que parce que tu l'as mene au
 sacre. Ton roi n'est roi que si tes voix ont dit vrai. Que dira ton roi quand il
 saura que tu t'es reniee?
  JEANNE. - Les voix qui me venaient de Dieu ont fait silence et m'ont
 delaissee. Ah! Si l'univers m'abandonne, j'ai du moins besoin de Dieu.
 L'AUTRE JEANNE. - Dieu a besoin de toi.
 JEANNE. - Besoin de moi?
  L'AUTRE JEANNE. - Quand cesseras-tu de gemir et de chercher partout
 une aide? Personne ne viendra a ton secours: tu n'as rien a attendre. C'est
 toi que l'on attend. Considere non ce qui te soutient, mais ce qui repose sur
 toi. Considere tout ce qui tombe si tu tombes. C'est par la charge qu'il porte
 que l'homme se tient debout.
 JEANNE. - Tant de malheur est sur moi....
 L'AUTRE JEANNE. - Fais-t'en plus forte2.
 JEANNE. - Tant de fatigue.
 L'AUTRE JEANNE. - Fais-t'en plus forte.
 JEANNE. - TAnt de honte.
  L'AUTRE JEANNE. - Fais-t'en plus forte. (Elle va a die pour la mettre :
 debout. Jeanne tente une faible resistance.) Pretendrais-tu me resister?
 Telle que je te vois, meurtrie, defaite, les yeux battus, les joues salees de
 larmes, pauvre chose humaine livree a la fatigue, au sommeil, a la peur.
 Va, tu ne lutteras pas avec moi comme Jacob avec l'Ange , car tu sais bien
 maintenant que tu serais terrassee.
 JEANNE. - Que pretends-tu de moi?
  L'AUTRE JEANNE. - Tu es allee droit a ton roi qui ne savait plus qu'il
 etait roi, et tu l'as reconnu pour qu'il se reconnut lui-meme. Je suis venue
 vers toi qui ne savais plus que tu etais Jeanne et deja tu t'es reconnue.
 JEANNE. - Je te dis donc ce que m'a dit mon roi: "Que faut-il que je
 fasse?"
 
 57
 
  L'AUTRE JEANNE. -Tu as conduit ton roi a Reims pour qu'il y fut sacre
 C'est a ton sacre que je te conduis. Comme il le recoit a Reims, tu le
 recevras a Rouen.
 JEANNE. - Quel sacre peut-il y avoir pour la pauvre fille que je suis?
  L'AUTRE JEANNE. - Un sacre plus brillant que le plus beau sacre royal.
 Quelles hautes flammes l'eclairent! Tu seras reine, Jeanne, aupres des
 Saintes Martyres. Reine pour tous ceux qui, comme toi, comparaitront
 devant des juges de politique et de vengeance, dans la solitude et le
 desarroi, et sauront que tu es pres d'eux. Reine de tous ceux que l'on tue
 injustement aux quatre coins du monde. Reine des peuples qu'on opprime,
 reine des vaincus qu'on baillonne, reine des prisons et des supplices, reine
 de la foule des libertes qui n'en finissent pas d'etre tuees et de renaitre,
 reine de l'espoir intraitable. Reine4 voici le j our du sacre. Voici la foule
 rassemblee. Voici sur toi les yeux du monde. Voici le pretre avec son livre.
 Voici l'ampoule5 et la couronne.
 JEANNE. - Voici la mort. Je n'ai que dix-neuf ans.
  L'AUTRE JEANNE. - Jeanne, je t'appelle a ton dernier combat. Reprends
 l'habit qui convient au combat. Reprends l'habit d'homme.
 JEANNE. - Je leur6 ai fait serment....
  L'AUTRE JEANNE. - Nul serment ne vaut s'il est fait par contrainte.
 Reprends ton courage, reprends ta verite, reprends la bataille. Reprends ton
 habit d'homme! Es-tu prete?
 JEANNE. - Je suis prete**.
 THIERRY MAULNIER. Jeanne et les Juges (1949).
 Примечания:
  1. Ты непобедима, потому что тебя ведут (направляют) ангелы. 2. Стань сильней его.
 3. Имеется в виду эпизод из Библии (Бытие, 32) о борьбе Иакова с ангелом, послан-
 ным испытать его после прихода в землю Ханаанскую. В этой борьбе Иаков вышел
 победителем. 4. Здесь: обращение. 5. Аллюзия на la Sainte Ampoule, сосуд с миром
 (маслом), используемый при коронации французских королей. 6. Моим тюремщикам.
 Вопросы:
  * Quel est le passage de cette scene qui vous para t le plus eloquent et le plus
 emouvant?
 58
 
 HENRI IV, LE ROI TOLERANT
 (1553-1610)
 Lorsqu'il voulut glorifier l'esprit de tolerance en un vaste poeme epique,
 Voltaire choisit de celebrer Henri IV. On voit 'powquoi: ce roi fut l'ennemi du
 fanatisme, et, pour mettre fin aux guerres religieuses, ne craignit pas d'abjurer
 le protestantisme pour se faire catholique.
 En decrivant, dans sa minutie pittoresque, le detail de la derniere journee
 d'Henri IV, LES FRERES THARAUD ont su rendre hommage au moins a deux
 qualites foncieres du souverain: sa preoccupation constante de son royal
 metier, et son courage a defier les complots du fanatisme.
  Jamais le Roi n'apparut plus present a toutes choses, et en meme temps
 plus mysterieux, plus lointain, plus different de tous ceux qui l'entouraient,
 que dans ce jour du vendredi, quatorzieme de mai, qui fut le dernier de sa
 vie. Il s'eveilla de bon matin, se fit porter ses Heures1 dans son lit, car il
 avait toutes les facons d'un excellent catholique, allait tous les jours a la
 messe, et meme avait fonde un ordre de chevalerie religieuse, l'ordre de la
 Vierge du Mont Carmel, dont les membres devaient s'abstenir de manger
 de la chair le mercredi et reciter chaque matin l'office de la Vierge Marie,
 ou tout au moins le chapelet.
  Son fils Vendome2 vint l'avertir que l'horoscope de ce jour ne lui etait
 pas favorable et qu'il devait se bien garder. "Qui vous a dit cela? fit le
 Roi.- Le medecin La Brosse." Sa Majeste, qui connaissait La Brosse,
 repliqua: "C'est un vieux fou; et vous en etes un jeune."
  On doit ajouter toutefois que l'anecdote est incertaine, encore qu'il n'y eut
 guere de jour ou l'on ne vint porter au Roi quelque presage de la sorte. Il n'y
 avait d'ailleurs pas d'occasion qu'il ne saisit pour se moquer de ces vains
 pronostics "La vie, avec telles craintes, serait pire que la mort, disait-il
 insouciamment je suis dans la main de Dieu, et ce qu'il garde est bien garde."
 Et a ce propos, il racontait qu'un devin lui avait predit qu'il serait enterre huit
 jours apres son cousin Henri Ш, lequel etait mort depuis vingt ans.
  Toute la matinee, il s'entretint des negociations en cours, de la guerre
 qui se preparait3 des reconnaissances qu'on avait faites pour le passage de
 ses troupes en Flandre, de l'etat de son armee, des equipages, de l'artillerie;
 d s'informa aupres des marechaux des logis des dispositions prises dans la
 rue Saint-Denis sur le parcours du cortege qui devait se derouler le
 dimanche, jour de l'entree solennelle de la Reine a Paris; il s'enquit des
 Personnages qui avaient retenu des fenetres et ou se trouvait le logis d'ou
 59
 
 lui-meme il verrait passer sa femme; puis il se rendit a Saint-Roch4 pour y
 entendre l'office. Au meme moment, Ravaillac entendait aussi la messe. Il
 etait agenouille dans l'eglise Saint-Benoit5. Qui dira les sentiments, les
 pensees qui occupaient a cette heure la victime et le bourreau, le Bearnais
 incredule qui reve de sa maitresse, et le sombre Angoumoisin qui ecoute
 dans l'extase les derniers ordres de Dieu...?
  On etait un vendredi, jour pareil aux autres jours pour l'homme qui suit
 l'office a Saint-Roch; jour terrible, jour non pareil pour l'homme qui prie
 a Saint-Benoit, jour de tristesse ou l'Eglise pleure sur les morts, et fait
 trembler les vivants, (...) jour du plus grand sacrifice, ou Jesus s'offre en
 holocauste pour racheter les peches des hommes... Pour racheter ce pauvre
 royaume, ne pouvait-on sacrifier une miserable vie? Un doute pourtant, un
 dernier doute fait hesiter Ravaillac. Il sait qu'il va frapper un homme en
 etat de peche mortel et que c'est sa vie eternelle qu'il va prendre avec sa
 vie. Doit-il envoyer une ame a la damnation eternelle? Mais quoi! est-ce
 encore une ame. l'esprit d'ou Dieu s'est retire*?..
  Il sortit de Saint-Benoit, regagna les Cinq-Croissants6, y dejeuna avec
 l'hote7 et un nomme Colletet, marchand. .
  De son cote, Sa Majeste remonta dans son carrosse, et rencontrant en
 chemin messieurs de Guise et Bassompierre8 il fit descendre une dame qui
 se trouvait dans le berceau9 pour prendre avec lui ses gentilshommes.

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