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Список литературы по разделу

 Примечания:
  1. В VIII округе Парижа между авеню Монтеня и улицей Пьера Шаррона, где
 находятся наиболее известные дома моды ("от кутюр"). 2. Le trac (разг.) - страх,
 волнение перед выходом на сцену, публичным выступлением. 3. С отработанной
 небрежностью, непринужденностью. 4. Г-жа Мер лье.
 Вопросы:
 * Que signifie exactement ce mot de voliere? Qu'a-t-il a la fois de juste et de piquant?
 ** Montrez fironie de cette epithete, et sa verite.
 *** Montrez de quelle vie est anime le curieux personnage lie Germain.
 LA FARANDOLE
 Nombreuses sont les fetes ou peut s'exprimer la joie populaire. Mais les plus
 interessantes sont sans doute celles ou se manifeste l'ame d'une province
 particuliere, celles qui, en somme, appartiennent au fonds folklorique de la
 nation. A cet egard, la farandole provencale peut etre consideree comme ur-s
 des plus typiques de l'ancienne France.
 117
 
  Valmajour1 tourna sur ses talons et descendit le long de l'estrade, sa caisse
 au bras, la tete droite, avec ce leger dehanchement du Provencal, ami du rythme
 et de la danse. En bas, des camarades l'attendaient, lui serraient les mains. Puis
 un cri retentit: "La farandole!" clameur immense, doublee par l'echo des
 voutes, descouloirs, d'ou semblaient sortir l'ombre et la fraicheur qui
 envahissaient maintenant les arenes2 et retrecissaient la zone du soleil. A
 l'instant le cirque fut plein, mais plein a faire eclater ses barrieres, d'une foule
 villageoise, une melee de fichus blancs, de jupes voyantes, de rubans de velours
 battant aux coiffes de dentelle, de blouses passementees, de vestes de cadis3.
  Sur un roulement de tambourin, cette cohue s'aligna, se defila en
 bandes, le j arret tendu, les mains unies. Un trille de galoubet4 fit onduler
 tout le cirque.et la farandole menee par un gars de Barbentane, le pays des
 danseurs fameux, se mit en marche lentement, deroulant ses anneaux,
 battant ses entrechats, presque sur place, remplissant d'un bruit confus, d'un
 froissement d'etoffes et d'haleines, l'enorme baie du vomitoire ou peu a peu
 elle s'engouffrait. Valmajour suivait d'un pas egal, solennel, repoussait en
 marchant son gros tambourin du genou, et jouait plus fort a mesure que le
 compact entassement de l'arene, a demi noyee deja dans la cendre bleue du
 crepuscule, se devidait comme une bobine d'or et de soie.
 "Regardez la-haut!" dit Roumestan tout a coup.
  C'etait la tete de la danse surgissant entre les arcs de voute du premier etage,
 pendant que le tambourinaire et les derniers farandoleurs pietinaient encore dans
 le cirque. En route, la ronde s'allongeait de tous ceux que le rythme entrainait de ,
 force a la suite. Qui donc parmi ces Provencaux aurait pu resister au flutet
 magique de Valmajour? Porte, lance par des rebondissements du tambourin, on
 l'entendait a la fois de tous les etages, passant les grilles et les soupiraux descelles,
 dominant les exclamations de la foule. Et la farandole montait, montait, arrivait
 aux galeries superieures que le soleil bordait encore d'une lumiere fauve.
 L'immense defile des danseurs bondissants et graves decoupait alors sur les
 hautes haies cintree's du pourtour, dans la chaude vibration de cette fin d'apres-
 midi de juillet, une suite de fines silhouettes, animait sur la pierre antique un de
 ces bas-reliefs comme il en court au fronton degrade des temples*.
  En bas, sur l'estrade desemplie, - car on partait et la danse prenait plus de
 grandeur au-dessus des gradins vides, - le bon Numa6 demandait a sa femme,
 en lui jetant un petit chale de dentelle sur les epaules pour le frais du soir:
 "Est-ce beau, voyons?.. Est-ce beau?..
 - Tres beau", fit la Parisienne, remuee cette fois jusqu'au fond de sa
 nature artiste**.
 ALPHONSE DAUDET. Numa Roumestan (1881)
 118
 
 Примечания:
  1. Тамбурист (барабанщик, играющий на провансальском тамбурине), который
 только что добился оваций и успеха. 2. Старинные арены в Арле, сохранившиеся еще
 с античной эпохи. 3. Род шерстяной ткани. 4. Разновидность небольшой продольной
 флейты, распространенной в Провансе. Тамбурист держит ее в одной руке, а другой
 играет на тамбурине. 5. Небольшая свирель. 6. Нума Руместан, депутат от Арля, глав-
 ный герой романа.
 Вопросы:
  * Le mouvement et le rythme de la phrase sont admirablement calques sur ceux de la
 foule. Citez quelques passages significatifs a cet egard.
  ** Montrez que l'auteur a voulu traduire le caractere a la fois solennel et enthousiaste,
 grave et ardent de la farandole.
 LA FIN D'UN TOUR DE FRANCE
 Le Tour de France cycliste ne constitue -pas un episode ordinaire de la vie
 sportive francaise. C'est un evenement d'importance veritablement nationale,
 qui deplace sur les routes du pays des millions de spectateurs, auquel la presse
 consacre des articles nombreux et circonstancies, qui alerte la Radio et meme,
 aujourd'hui, la Television.
 Quel que soit l'interet sportif d'une epreuve aussi penible, il n'en faut pas moins
 admirer le courage et l'endurance de ces "geants de la route", qui, apres
 avoir, pendant pres d'un mois, effectue des etapes quotidiennes de deux ou trois
 cents kilometres, viennent recueillir au Parc des Princes, terme de leur course,
 les acclamations d'une foule en delire.
  Un nuage bas blanchit au detour de la route et roule sur nous. Nous
 sommes aveugles, suffoques; nous demarrons a tatons; une voiture-pilote
 hurle a nos trousses comme la sirene d'un navire perdu; une autre nous
 frole et pous depasse, dans un elan hardi et onduleux de poisson geant; un
 fretin affole de cyclistes aux levres terreuses, entrevus dans la poussiere,
 s'grippe aux ailes2 des automobiles, derape, s'ecrase.
  Nous suivons, engrenes dans la course. J'ai vu passer devant nous, tout
 de suite avales par des tourbillons lourds, trois coureurs minces: dos noirs
 et jaunes, chiffres de rouge, trois etres qu'on dirait sans visage, l'echine en
 arceau, la tete vers les genoux, sous une coiffe blanche... Ils ont disparu
 tres vite, eux seuls muets dans le tumulte; leur hate a foncer en avant, leur
 sience semble les isoler de ce qui se passe ici. On ne dirait pas qu'ils
 119
 
 rivalisent entre eux, mais qu'ils nous fuient et qu'ils sont le gibier de cette
 escorte ou se melent, dans la poussiere opaque, des cris, des coups de
 trompe, des vivats et des roulements de foudre.
  Nous suivons, nourris de fin silex croquant3 les narines brulees. Il
 y a devant nous, dans le nuage, l'ombre basse et vague d'une automobile
 invisible, proche pourtant a la toucher du capot; nous grimpons sur le siege
 pour regarder derriere, un autre fantome de voiture, et d'autres derriere
 celui-la; on devine des bras agites, on entend des cris qui nous maudissent
 et reclament le passage...
  Cependant, les coureurs muets - tete modeste du cortege assourdissant -
 nous ont menes jusqu'a la voie de chemin de fer, ou la barriere fermee
 immobilise un instant la course. Une foule claire, endimanchee, attend et
 acclame; la encore, les petits hommes noirs et jaunes, chiffres de rouge, se
 faufilent par la porte des pietons, franchissent la voie, et s'eclipsent. Nous
 restons parques derriere les grilles, furieux et comme frustres. Le nuage de
 poussiere, un instant abattu, me laisse voir une triple ule d'impatientes et
 puissantes voitures, couleur de route, couleur de boue - des chauffeurs
 couleur de muraille et masques, qui guettent, prets a depasser, d'une embardee
 peut-etre mortelle, le voisin de devant... A ma droite, deux hommes sont debout
 dans leur voiture, tendus en gargouilles pardessus la tete de leur conducteur.
 Dans la voiture de gauche, un autre, noir de graisse et d'huile, se tient a
 croupetons5 "les pieds sur les coussins, et darde sur la route le regard de ses
 lunettes bombees. Tous ont l'air prets a bondir, a frapper, et l'objectif de maint
 appareil photographique inquiete, braque, comme un canon noir... Il fait chaud,
 un soleil orageux couve toute cette ferocite anonyme...
  La foule cordiale, joviale, attend, tout le long de Poissy, les coureurs
 que nous rattrapons. Un bon gros pere, un peu saoul veut temoigner son
 enthousiasme en etreignant l'un des automates noirs et jaunes, qui passe au
 ralenti: l'automate sans visage detache soudain, sur la trogne du gros pere,
 un poing terrible et rentre dans son nuage, comme un dieu venge...
  Avenue de la Reine, a Boulogne... La foule, de plus en plus dense,
 a envahi le milieu de la chaussee, et, dans son zele incommode, s'ouvre tout
 juste devant le gagnant, qui maintenant releve la tete, montre ses yeux
 exasperes et sa bouche ouverte, qui peut-etre crie de fureur... On lui fait
 place, mais la foule se referme devant nous, qui le suivons, comme un
 champ d'epis serres se remele apres une rafale.
  Un second coureur nous frole, pareillement entrave par la multitude qui
 le fete, et sa blonde figure, pareillement furieuse, vise follement un point
 devant lui: l'entree du velodrome...
 120
 
 C'est fini. Il n'y a plus maintenant que la piste immense du Parc des
 princes, empli d'une foule etale4. Les cris, les battements de mains, les
 musiques ne sont que brise au prix de la bourrasque qui m'apporta jusqu'ici
 et d'ou j'emerge assourdie, la tete bourdonnante. Mais je vois encore,
 la-bas, tres loin, de l'autre cote du cirque, je vois se lever, s'abaisser,
 comme les deux bielles minuscules et infatigables qui suffisaient a
 emouvoir cette tempete mecanique, les deux jambes menues du
 triomphateur*.
  COLETTE. Dans la Foule (1920).
 Примечания:
  1. Мелкая, непромысловая рыба. Здесь: безымянная масса гонщиков. 2. Крылья.
 3. Пыль, песок, скрипящий на зубах. 4. Резкий поворот в сторону, занос. 5. На корточ-
 ках. 6. Ivre (terme populaire; prononcer: sou).l. Неподвижная, как море во время штиля.
 Вопросы:
  *Оп appreciera, d'apres cette page, le don que possede Colette d'evoquer les attitudes
 et le mouvement. Mais la description ne cache-t-elle pas, ici et la, une discrete ironie?
 LE TOUT-PARIS
 Avant la deuxieme guerre mondiale, il y avait et il y a -peut-etre encore deux
 categories au moins de Parisiens: ceux qui vivaient dans la grande cite comme
 ils auraient vecu dans n'importe quelle autre ville du monde simplement,
 laborieusement, modestement, et c'etait l'immense majorite; et'puis, une faune
 curieuse, composee d'hommes et de femmes en vue, qui consumaient leur temps
 en mondanites aussi futiles qu'ostentatoires et qui constituaient ce qu'il etait
 convenu d'appeler le Tout-Paris...
 Une des activites essentielles de cette fausse elite consistait a participer a des
 reunions denommees pompeusement " cocktails " et dont MAURICE DRUON nous
 offre une relation aussi exacte que cruelle.
 Paris etait au plein milieu de sa "Saison".
  A tour de role, trois cents maitresses de maison faisaient deplacer leur
 mobilier et fourbir leur argenterie, retenaient les memes serviteurs en extra'
 devalisaient les memes fleuristes, commandaient chez les memes
 fournisseurs les memes petits fours, les memes pyramides de sandwiches
 au pain de mie ou au pain de seigle, fourres des memes verdures et des
 mernes anchois, pour retrouver apres le depart de leurs invites leurs ap-
 parternents desoles comme par le passage d'une armee en campagne, leurs
 meubles jonches de coupes vides et de vaisselle sale, leurs tapis roussis par
 121
 
 les cigarettes, leurs nappes moirees de taches, leurs marqueteries frappees
 de cercles poisseux, leurs fleurs asphyxiees par les effluves de la foule, et
 pour se laisser choir, rompues, dans un fauteuil, en prononcant toutes la
 meme phrase: "Dans l'ensemble, cela s'est tres bien passe..."
  Et toutes, le lendemain, sinon le soir meme, surmontant leur feinte ou
 leur reelle fatigue, se precipitaient a des receptions identiques.
  Car c'etaient toujours les quelques memes centaines de personnes,
 appartenant a ce qu'il y avait de plus notoire dans le parlement, les lettres, les
 arts, la medecine, le barreau, a ce qu'il y avait de plus puissant dans la finance
 et les affaires, a ce qu'il y avait de plus marquant parmi les etrangers de
 passage (et qui souvent d'ailleurs ne passaient que pour cette occasion), a ce
 qu'il y avait de plus prometteur ou de plus habile dans la jeunesse, de plus
 riche dans la richesse, de plus oisif dans l'oisivete, de plus gratin dans
 - l'aristocratie, de plus mondain dans le monde, que l'on voyait graviter, se
 bousculer, s'etouffer, s'embrasser, se sourire, se lecher, se juger, se hair*.
  La parution d'un livre, la premiere d'un film, la centieme d'une piece de
 theatre, le retour d'un explorateur, le depart d'un diplomate, l'ouverture d'une
 galerie de tableaux, le record d'un pilote, tout etait pretexte a quelque festivite.
  Chaque semaine, une coterie3, pourvu que la presse l'etayat, revelait un
 genie qui ne durerait pas deux mois, etouffe dans son succes ainsi qu'une
 torche dans sa fumee.
  Paris etalait alors en fait de robes, de bijoux et d'ornements tout ce que ses
 metiers d'art et de mode pouvaient produire. L'invention et le gout, l'argent
 aussi, se depensaient sans compter dans le vetement, la parure et le decor.
  Prodigieuse foire aux vanites comme peut-etre jamais il ne s'en etait
 tenu sur la terre! Quel mouvement interieur poussait ces gens a se recevoir,
 a s'inviter, a repondre aux invitations, a feindre le plaisir en des lieux ou ils
 s'ennuyaient a crever, a danser par politesse avec des partenaires qui leur
 deplaisaient, a s'abstenir, par discretion, de danser avec ceux qu'ils
 desiraient, a se vexer s'ils etaient omis sur une liste, mais a gemir chaque
 fois qu'ils recevaient un nouveau bristol4 a applaudir des ?uvres ou des
 auteurs qu'ils meprisaient, a etre meprises de ceux-ci memes qu'ils
 applaudissaient, a se repandre en sourires pour des indifferents, a clamer
 leur misanthropie, leur lassitude du monde, et a perdre mutuellement en ces
 jeux curieux leur temps, leurs forces et leur fortune?
  C'est qu'en cette foire ou chacun etait a la fois demandeur et offrant.
 acheteur et camelot, se pratiquait le troc5 le plus subtil du monde, celui de
 la puissance et de la celebrite**.
 MAURICE DRUON. Rendez-vous aux Enfers (1951)
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 Примечания:
  1. Слуги, нанятые в дополнение к обычной прислуге. 2. Поджаристая золотистая
 корочка на каком-либо кушанье. Здесь: сливки (общества). 3. Клика, группа людей,
 обладающих влиянием либо затеявших интригу. 4. Пригласительный билет, отпеча-
 танный на бристольском картоне. 5. Обмен, меновая торговля.
 Вопросы:
 * Comment l'ecrivain a-t-il su traduire les ridicules de cette societe?
  ** La description ne glisse-t-elle -pas ici a la satire sociale? - On rapprochera ce texte
 de celui ou le meme auteur depeint la Presentation d'une collection dans un magasin de
 couture.
 PARIS ET LA PROVINCE
 Enverse la province, Paris n'eprouvait, hierencore, qu'un peu de pitie dedaigneuse:
 elle manquait d'aisance, d'allure, de chic; qu'il s'agit de peinture, de musique, ou,
 plus simplement, de mode, elle etait toujours en retard d'une saison ou deux. Ah!
 "faire province", quelle condamnation dans une bouche parisienne!..
 Et c'est un peu ce que signifie cette page de FRANCOIS MAURIAC. Mais elle
 exprime aussi la province, paisible et laborieuse, dont les fils les mieux doues
 viennent d'ailleurs renouveler sans cesse le sang de l'ingrate capitale. Il faut,
 comme FRANCOIS MAURIAC, avoir ete soi-meme arrache au vieux terroir
 francais, pour comprendre tout ce qu'il y a de grave, de profond, d'ineffacable
 dans une vie dont l'enfance fut marquee du sceau provincial.
  Paris est une solitude peuplee; une ville de province esttln desert sans
 solitude*.
  Un provincial intelligent souffre a la fois d'etre seul et d'etre en vue. Il
 est le fils un Tel, sur le trottoir de la rue provinciale, il porte sur lui, si l'on
 peut dire, toute sa parente, ses relations, le chiffre de sadotet de ses
 esperances1. Tout le monde-le voit, le connait, l'epie; mais il est seul (...).
  La conversation est un plaisir que la province ignore. On se reunit pour
 manger ou pour jouer, non pour causer.
  Cette science des maitresses de maison, a Paris, pour reunir des gens
 qui, sans elle, se fussent ignores, et qui leur seront redevables du bonheur
 de s'etre connus, cet art de doser la science, l'esprit, la grace, la gloire, est
 Profondement inconnu de la province (...).
  Certes la bonne societe provinciale ne compte pas que des sots: et un
 important chef-lieu ne saurait manquer d'hommes de valeur. Si donc ces
 sortes de reunions qui font l'agrement de la vie a Paris, paraissent
 123
 
 impossibles ailleurs, la faute en est a cette terrible loi de la province: on
 n'accepte que les -politesses qu'on peut rendre. Cet axiome tue la vie de
 societe et de conversation.
  A Paris, les gens du monde qui possedent quelque fortune et un train de
 maison, jugent qu'il leur appartient de reunir des etres d'elite, mais non de la
 meme elite. Ils s'honorent de la presence sous leur toit d'hommes de talent.
 Entre les maitres de maison, fussent-ils de sang royal, et leurs invites, c'est un
 echange ou chacun sait bien que l'homme de genie qui apporte son genie,
 l'homme d'esprit qui apporte son esprit ont droit a plus de gratitude.
  Ainsi recus et honores, les artistes, les ecrivains de Paris n'ont point
 cette mefiance des "intellectuels" de province guindes, gourmes , hostiles
 des qu'ils sortent de leur trou.
  En province, un homme intelligent, et meme un homme superieur, sa
 profession le devore. Les tres grands esprits echappent seuls a ce peril.
  A Paris, la vie de relations nous defend contre le metier. Un politicien
 surmene, un avocat celebre, un chirurgien savent faire relache pour causer
 et fumer dans un salon ou ils ont leurs habitudes.
  Un avocat provincial se croirait perdu d'honneur si le public pouvait
 supposer qu'il dispose d'une soiree: "Je n'ai pas une heure a moi...", c'est le
 refrain des provinciaux: leur specialite les ronge.
  Province, gardienne des morts que j'aimais. Dans la cohue de Paris,
 leurs voix ne parvenaient pas jusqu'a moi; mais te voici soudain, toi,
 pauvre enfant; nous avons suivi cette allee, nous nous etions assis sous ce
 chene, nous avions parle de la mort.
  Le vacarme de Paris, ses autobus, ses metros, ses appels de telephone,
 ton oreille n'en avait jamais rien percu; - mais ce que j'ecoute ce soir, sur
 le balcon de la chambre ou tu t'eveillais dans la joie des cloches et des
 oiseaux, ce sanglot de chouette, cette eau vive, cet aboi, ce coq, ces coqs
 soudain alertes jusqu'au plus lointain de la lande, c'est cela meme, et rien
 d'autre, qui emplissait ton oreille vivante; et tu respirais, comme je le fais
 ce soir, ce parfum de resine3 de ruisseau, de feuilles pourries**. Ici la vie
 a le gout et l'odeur que tu as savoures quand tu etais encore au monde.
 FRANCOIS MAURIAC. La Province.
 Примечания:
  1. То есть надежд на получение наследства от родственников после их смерти
 2. Надутых, чопорных, неестественных. 3. Смолы сосен, растущих в Ландах.
 124
 
 Вопросы:
  * Commentez cette, maxime vigoureuse. - Que pensez-vous de ce genre litteraire, que
 vous pouvez trouver egalement dans les extraits de La Rochefoucauld et de Brillat-Savarin?
  ** Montrez la force emotionnelle des demonstratifs contenus dans cette phrase. --
 Quels personnages l'auteur designe-t-il par toi, nous? En quoi ce procede d'expression
 est-il heureux?
 A COMBRAY
 Autant le Parisien, noye dans l'immense fourmiliere humaine qui s'agite
 autour de lui, se perd dans l'anonymat et s'y complait, autant le villageois

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