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 N'aurait pas merite l'amour du grand Severe***.
 SEVERE
 Ah! madame, excusez une aveugle douleur,
 Qui ne connait plus rien que l'exces du malheur:
 Je nommais inconstance et prenais pour un crime
 De ce juste devoir l'effort le plus sublime.
 De grace, montrez moins a mes sens desoles
 La grandeur de ma perte et ce que vous valez;
 Et, cachant par pitie cette vertu si rare,
 Qui redouble mes feux lorsqu'elle nous separe,
 Faites voir des defauts qui puissent a leur tour
 Affaiblir ma douleur avecque19 mon amour.
 PAULINE
 Helas! cette vertu, quoique enfin" invincible,
 Ne laisse que trop voir une ame trop sensible.
 Ces pleurs en sont temoins, et ces laches soupirs
 Qu'arrachent de nos feux les cruels souvenirs:
 Trop rigoureux effets d'une aimable presence
 Contre qui mon devoir a trop peu de defense!
 Mais si vous estimez ce vertueux devoir,
 Conservez-m'en la gloire, et cessez de me voir;
 Epargnez-moi des pleurs qui coulent a ma honte:
 Epargnez-moi des feux qu'a regret je surmonte;
 Enfin epargnez-moi ces tristes entretiens,
 Qui ne font qu'irriter21 vos tourments et les miens.
 349
 
  SEVERE
 Que je me prive ainsi du seul bien qui me reste !
  PAULINE
 Sauvez-vous d'une vue a tous les deux funeste.
  SEVERE
 Quel prix22 de mon amour! quel fruit de mes travaux!
  PAULINE
 C'est le remede seul" qui peut guerir nos maux.
  SEVERE
 Je veux mourir des miens: aimez-en la memoire.
  PAULINE
 Je veux guerir des miens: ils souilleraient ma gloire24.
 SEVERE
 Ah ! puisque votre gloire en prononce l'arret,
 II faut que ma douleur cede a son interet.
 Est-il rien que sur moi cette gloire n'obtienne? *
 Elle me rend les soins que je dois a la mienne.
 Adieu: je vais chercher au milieu des combats
 Cette immortalite que donne un beau trepas
 Et remplir dignement, par une mort pompeuse" ,
 De mes premiers exploits l'attente avantageuse26,
 Si toutefois, apres ce coup mortel du sort,
 J'ai de la vie assez pour chercher une mort.
 PAULINE
 Et moi, dont votre vue augmente le supplice,
 Je l'eviterai meme en votre sacrifice;
 Et seule dans ma chambre, enfermant mes regrets,
 Je vais pour vous aux dieux faire des v?ux secrets.
 SEVERE
 Puisse le juste Ciel, content27 de ma mine,
 Comblei: d'heur28 et de jours Polyeucte et Pauline!
 350
 
 PAULINE
 Puisse trouver Severe, apres tant de malheur,
 Une felicite digne de sa valeur!
  SEVERE
 IL la trouvait en vous.
  PAULINE
 Je dependais d'un pere.
 SEVERE
 О devoir qui me perd et qui me desespere!
 Adieu, trop vertueux objet29 et trop charmant****.
  PAULINE
 Adieu, trop malheureux et trop parfait amant*****.
 Acte II, se. II.
 Примечания:
 1. Полиевкта. 2. Льстит, обманывая. 3. Разошелся слух о смерти Севера. 4 Север,
 прежде чем прославиться на полях сражения на востоке, был беден и никому не из-
 вестен. 5. Признаки, черты. 6. Полиевкта. 7. Reine se rapporte a vous, du vers suivant.
 8. Любовный пыл. 9. Душевной твердости. 10. Ce c?ur: mon c?ur. 11 Любовь 12. На-
 иболее достойный любви. 13. Жестоких мук. 14. Подчиняет насильно 15. Благород-
 ную. 16. Ваше достоинство. 17. Archaique pour sous 18 Чар, очарования. 19 Ortho-
 graphe deja vieillie a l'epoque de Corneille. 20. Окончательно. 21. Усиливать. 22. Награ-
 да. 23. Le seul remede. 24. Мою честь. 25. Славную. 26. Возвышенную надежду, кото-
 рую породили мои первые подвиги. 27. Удовлетворясь моей гибелью. 28. Счастье,
 блаженство. 29. Здесь: предмет любви.
 Вопросы:
 * Formule toute cornelienne: en quoi?
 ** Pourquoi a-t-on pu dire que ce vers etait " raciaien "?
 *** L'attitude de Pauline n'est-elle pas a rapprocher de celles de Chimene et de
 Rodrigue, chez qui l'amour grandit a la mesure de l'energie manifestee par le partenaire?
 **** Etudiez le vocabulaire precieux tout au long de cette scene.
 * **** Montrez que la scew. s'acheve en un duo lyrique.
 351
 
 MOLIERE (1622-1673)
 BOILEAU reprochait a l'auteur du Misanthrope d'etre aussi celui de\
 Fourberies de Scapin. Moins etroits dans nos gouts, nous serions plutot tentee
 aujourd'hui d'admirer un createur aussi bien doue pour la simple farce que
 pour la grande comedie de caracteres, et, le cas echeant, assez habile poui
 unir ces deux genres de comique a l'interieur d'une meme piece...
 La celebre scene du "pauvre homme", extraite de Tartuffe, nous offre un
 exemple saisissant de ce double aspect du genie de MOLIERE, qui, tout en non-,
 faisant rire par le jeu des questions et des exclamations repetees d'Orgon, nou\
 permet en meme temps de saisir la stupidite d'un personnage litteralement
 possede.
 TARTUFFE (1664-1669)
  Orgon, qui est alle pendant quelques jours a la campagne, revient chez lui et s'informe
 de ce qui s'est passe durant son absence. Il s'adresse a Dorme, sa servante.
 ORGON
 Tout s'est-il, ces deux jours, passe de bonne sorte?
 Qu'est-ce qu'on fait ceans'? Comme2 est-ce qu'on s'y porte?
 DORINE
 Madame1 eut, avant-hier, la fievre jusqu'au soir,
 Avec un mal de tete etrange a concevoir.
 ORGON
 Et Tartuffe4?
 DORINE
  Tartuffe? il se porte a merveille,
 Gros et gras, le teint frais et la bouche vermeille.
  ORGON
 Le pauvre homme!
 DORINE
  Le soir elle eut un grand degout
 Et ne put au souper toucher a rien du tout,
 Tant sa douleur de tete etait encor cruelle.
 352
 
 ORGON
 Et Tartuffe?
 DORINE
  II soupa, lui tout seul, devant elle,
 Et fort devotement il mangea deux perdrix
 Avec une moitie de gigot en hachis.
  ORGON
 Le pauvre homme!
 DORINE
  La nuit se passa tout entiere
 Sans qu'elle put fermer un moment la paupiere;
 Des chaleurs5 l'empechaient de pouvoir sommeiller,
 Et jusqu'au jour pres d'elle il nous fallut veiller.
  ORGON
 Et Tartuffe?
 DORINE
  Presse d'un sommeil agreable,
 II passa dans sa chambre au sortir de la table,
 Et dans son lit bien chaud il se mit tout soudain,
 Ou sans trouble il dormit jusques au lendemain.
  ORGON
 Le pauvre homme! \
 DORINE
  A la fin, par nos raisons gagnee,
 Elle se resolut a souffrir la saignee6,
 Et le soulagement suivit tout aussitot.
  ORGON
 Et Tartuffe?
 DORINE
  II reprit courage comme il faut,
 Et contre tous les maux fortifiant son ame,
 353
 
 Pour reparer le sang qu'avait perdu madame,
 But, a son dejeuner, quatre grands coups de vin.
  ORGON
 Le pauvre homme !
 DORINE
  Tous deux se portent bien enfin;
 Et je vais a madame annoncer par avance
 La part que vous prenez a sa convalescence*.
  Acte I, se. IV.
 Примечания:
  1. Ici. 2. Comment. 3. Эльмира, жена Оргона 4 Святоша, вторгшийся в дом Оргона
 и живущий там нахлебником . 5. Приступы горячки, жар. 6. Кровопускание. В XVII в
 кровопускание было широко распространенным средством чуть ли не от всех болез-
 ней.
 Вопросы:
  * Definir les differents elements dont est fait ici le comique. Marquer, en particulier, et
 les contrastes et le rythme sur lesquels repose la scene.
 RACINE (1639-1699)
 DES tragiques francais, RACINE est celui qui s'estavance le plus loin dans la
 connaissance du c?ur humain. Il est aussi celui qui a su le mieux allier aux
 exigences de la scene les charmes de la Poesie.
 Quels que soient les merites (TAndromaque (1667), de Britannicus (1660), de
 Berenice (1670), de Bajazet (1672), et meme de Mithridate (1673) ou
 d'iphigenie (1674), c'est dans Phedre (1677) que le genie racinien s'est epanoui
 le plus completement. H n'est pas de tragedie, en effet, ou l'amour atteigne un
 pareil degre de violence, d'exces, de deraison: et pourtant, jusqu'en sa fureur,
 il s'y exprime dans une forme d'une simplicite et d'une limpidite qui defient
 l'analyse.
 PHEDRE
  Consumee par la passion criminelle qu'elle porte a son beau-fils, Hippolyte, Phedre a
 decide de mourir. Mais soudain, elle apprend ta mort de son mari Thesee, pere d'Hippolyte.
 Reprenant alors courage, elle fait venir le jeune homme pour lui avouer son amour.
 354
 
 PHEDRE, a ?none'
 Le voici. Vers mon c?ur tout mon sang se retire.
 J'oublie, en le voyant, ce que je viens lui dire2.
  ?NONE
 Souvenez-vous d'un fils qui n'espere qu'en vous.
 PHEDRE
 On dit qu'un prompt depart3 vous eloigne de nous,
 Seigneur. A vos douleurs je viens joindre mes larmes.
 Je vous viens pour un fils expliquer4 mes alarmes.
 Mon fils n'a plus de pere: et le jour n'est pas loin
 Qui de ma mort encor doit le rendre temoin.
 Deja mille ennemis5 attaquent son enfance.
 Vous seul pouvez contre eux embrasser sa defense.
 Mais un secret remords agite mes esprits6. Je crains d'avoir
 ferme votre oreille a ses cris. Je tremble que sur lui votre juste
 colere Ne poursuive bientot une odieuse mere7.
  HIPPOLYTE
 Madame, je n'ai point des sentiments si bas.
 PHEDRE
 Quand vous me hairiez, je ne m'en plaindrais pas,
 Seigneur. Vous m'avez vue attachee8 a vous nuire;
 Dans le fond de mon c?ur vous ne pouviez pas lire.
 A votre inimitie j'ai pris soin de m'offrir9.
 Aux bords que j'habitais je n'ai pu vous souffrir.
 En public, en secret, contre vous declaree,
 J'ai voulu par des mers en10 etre separee;
 J'ai meme defendu, par une expresse loi,
 Qu'on osat prononcer votre nom devant moi.
 Si pourtant a l'offense on mesure la peine,
 Si la haine peut seule attirer votre haine,
 Jamais femme ne fut plus digne de pitie,
 Et moins digne, Seigneur, de votre inimitie.
 355
 
 HIPPOLYTE
 Des droits de ses enfants une mere jalouse
 Pardonne rarement au fils d'une autre epouse".
 Madame, je le sais. Les soupcons importuns12
 Sont d'un second hymen11 les fruits les plus communs.
 Toute autre aurait pour moi pris les memes ombrages14
 Et j'en aurais peut-etre essuye plus d'outrages.
 PHEDRE
 Ah! Seigneur, que le Ciel, j'ose ici l'attester15,
 De cette loi commune a voulu m'excepter!
 Qu'un soin16 bien different me trouble et me devore!
 HIPPOLYTE
 Madame, il n'est pas temps de vous troubler encore.
 Peut-etre votre epoux voit encore le jour;
 Le Ciel peut a nos pleurs accorder son retour17.
 Neptune le protege, et ce dieu tutelaire
 Ne sera pas en vain implore par mon pere.
 PHEDRE
 On ne voit point deux fois le rivage des morts,
 Seigneur. Puisque Thesee a vu les sombres bords,
 En vain vous esperez qu'un dieu vous le renvoie;
 Et l'avare Acheron18 ne lache point sa proie.
 Que dis-je? Il n'est point mort, puisqu'il respire en vous.
 Toujours devant mes yeux je crois voir mon epoux.
 Je le vois, je lui parle; et mon c?ur... Je m'egare,
 Seigneur, ma folle ardeur malgre moi se declare.
 HIPPOLYTE
 Je vois de votre amour l'effet prodigieux.
 Tout mort qu'il est, Thesee est present a vos yeux;
 Toujours de son amour votre ame est embrasee.
 PHEDRE
 Oui, Prince, je languis19, je brule pour Thesee.
 Je l'aime, non point tel que l'ont vu les enfers,
 356
 
 Volage adorateur de mille objets20 divers,
 Qui va du dieu des morts deshonorer la couche21;
 Mais fidele, mais fier, et meme un peu farouche,
 Charmant, jeune, trainant tous les c?urs apres soi22,
 Tel qu'on depeint nos dieux, ou tel que je vous voi23.
 Il avait votre port24, vos yeux, votre langage,
 Cette noble pudeur colorait son visage
 Lorsque de notre Crete25 il traversa les flots,
 Digne sujet des v?ux des filles de Minos26.
 Que faisiez-vous alors? Pourquoi, sans Hippolyte,
 Des heros de la Grece assembla-t-il l'elite?
 Pourquoi, trop jeune encor, ne putes-vous alors
 Entrer dans le vaisseau qui le mit sur nos bords?
 Par vous aurait peri le monstre de la Crete27
 Malgre tous les detours de sa vaste retraite28.
 Pour en developper l'embarras incertain29,
 Ma s?ur30 du fil fatal31 eut arme votre main.
 Mais non, dans ce dessein je l'aurais devancee:
 L'amour m'en32 eut d'abord33 inspire la pensee.
 C'est moi, Prince, c'est moi dont l'utile secours
 Vous eut du Labyrinthe enseigne les detours,
 Que de soins m'eut coutes cette tete34 charmante!
 Un fil n'eut point assez rassure votre amante35.
 Compagne du peril qu'il vous fallait chercher,
 Moi-meme devant vous j'aurais voulu marcher;
 Et Phedre au Labyrinthe avec vous descendue
 Se serait avec vous retrouvee, ou perdue**.
 HIPPOLYTE
 Dieux! qu'est-ce que j'entends? Madame, oubliez-vous
 Que Thesee est mon pere, et qu'il est votre epoux?
 PHEDRE
 Et sur quoi jugez-vous que j'en perds la memoire,
 Prince? Aurais-je perdu tout le soin de ma gloire36?
 HIPPOLYTE
 Madame, pardonnez. J'avoue, en rougissant,
 Que j'accusais a tort un discours innocent.
 357
 

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