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espece de style.En depit des interpretes, l'enchantement renaissait enfin. Sublime
dernier acte de Carmen! Et d'abord, la musique sauvage, haletante, eveillait
dans mon sang cette fievre que nous connaissions tous, d'avant la corrida,
l'attente d'un triste bonheur... Carmen, sous sa mantille neigeuse, au milieu
d'une palpitation d'eventails, avancait suspendue au bras d'Escamillo, et le
cou gonfle, chantait avec un roucoulement rauque: "Oui, je t'aime,
Escamillo." Et tout a coup, dans la rumeur de cette fete, dans la poussiere
doree de ce beau jour, passait comme un souffle avant-coureur de la
foudre, la voix angoissee d'une amie: "Carmen, ne reste pas ici; il est la,
don Jose... il se cache... Prends garde!"
La musique de la "plaza19" se dissipe. L'homme se detache de la
muraille. Alors eclate la plainte eternelle: "Je ne menace pas, j'implore, je
supplie..." Et tout ce qui s'est toujours dit, dans tous les pays du monde,
sous tous les ciels, a ce tournant d'une passion: "J'oublie tout... Nous
recommencerons une autre vie..." Et cet avertissement monotone sans
cesse repris, cette petite vague desesperee qui bat, en vain, le c?ur petrifie
de la femme: "Carmen, il est temps encore... ", et qui nous donne la
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sensation presque intolerable de la fatalite, et enfin ce sanglot: "Tu ne
m'aimes donc plus! " avec cette phrase dechirante des violons... Et toute la
suite, jusqu'au cri supreme de don Jose: il nous atteint au plus secret de
notre c?ur, parce qu'il decouvre brutalement une verite insupportable,
connue de tous pourtant, mais qu'il faut tenir cachee, si on veut supporter
de vivre: "L'amour, dont la guerre est le moyen, ecrit Nietzsche a propos de
Carmen, dont la haine mortelle des sexes est la base**..."
FRANCOIS MAURIAC. Journal, tome II (1937).
Примечания:
1. Персонажи оперы. 2. Крытые экипажи, которые ввела в моду королева Викто-
рия. 3. Харчевня (исп.). 4. Завитки на висках и на лбу. 5. Разновидность сардин.
6. Торговая улица в Бордо. 7. Имя тореадора, соперника Хозе. 8. Имена знаменитых
матадоров. 9. Мастера тавромахии (исп.). 10. Коррида (исп.). II. Кармен. 12. Слова
Хозе в финале оперы. 13. Таскают друг друга за волосы (рак.) 14. Белого, как каме-
лия, цвета 15. Галерка (букв, курятник, а также нашест, на котором спят куры).
16. Политехническая школа и Сен-Сир - главные высшие военные учебные заведе-
ния во Франции. 17. Ироническое истолкование постановки и исполнения оперы.
18. Знаменитая ария. - Gueuler: кричать во все горло, вопить. 19. Площадь, арена,
где происходит коррида.
Вопросы:
* Eludiea l'art de la satire et meme de la charge dans ce paragraphe.
** Pourquoi Nietzsche aimait-il tellement la musique de Georges Bizet? - Pourquoi le
romancier Mauriac s'interesse-t-il ainsi a la passion de don Jose?
CLAUDE DEBUSSY (1862-1918)
On sait l'epitaphe que souhaitait et qu'a obtenue l'auteur de Pelleas et
Me'lisande: "Claude Debussy, musicien francais". Et certes, il y a un peu de
provocation dans cette formule: il s'agit, jusqu'au tombeau, de faire piece a la
tyrannie wagnerienne.
Mais l'?uvre de Debussy est assez originale pour n'avoir besoin de s'opposer
a celle de personne. Ses vrais titres de gloire, elle les trouve dans les
harmonies si neuves qui evoquent les caprices bondissants du Faune dans le
fameux Prelude, ou les jeux aeriens du soleil et du vent sur La Mer, ou les
formes elastiques et changeantes des Nuages dans le ciel. Et puis, et surtout, il
y a l'enchantement subtil et tragique de Pelleas...
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PRESTIGES DE PELLEAS...
Toute la fin de Pelleas est un continu chef-d'?uvre. Quoi de plus beau
que les merveilleux accords, ou se suivent les yeux innocents de Melisande
jusque dans le plus sombre delire de son bourreau, ces doubles quintes ou
passent on ne sait quels anges du ciel? Seul Parsifal a cette profondeur de
musique et ce sens du mystere; il faut toujours juger d'une musique sur le
philtre qu'elle nous verse et sur le genie qu'elle a d'exprimer l'inexprimable.
La musique n'illustre pas un texte: elle le transpose dans un autre ordre:
elle le prend a l'intelligence pour l'elever a la connaissance amoureuse de
l'emotion. Et comme la poesie ne pretend pas moins faire avec les moyens
qui lui sont propres, telle est la guerre du grand poete et du grand musicien
au theatre: un grand poeme se suffit, la musique le gate*. Pour le grand
musicien, le seul poeme qui lui convienne est celui ou la musique peut
mettre la grande poesie qui n'y est point.
Quand les pauvres amants osent enfin s'avouer leur amour, au seuil de
la mort, repondant a l'ivresse de Pelleas, le murmure de Melisande, presque
imperceptible, presque morne, sur une seule note, forme un aveu sublime.
Et l'adorable sourire de la melodie: Je suis heureux, mais je suis triste, est
a la fois d'une profondeur et d'une delicatesse qu'on n'a jamais trouvees
ensemble ni jamais egalees. Presque partout, la simplicite des moyens le
dispute au raffinement. Il n'est musique pres de celle-la qui ne semble ou
un peu vide ou au contraire trop grossiere.
Le charme de l'expression sonore, la beaute d'un orchestre ou le genie
des timbres fait regner une incomparable unite, la perfection de la phrase
vocale, tout concourt a masquer la puissance. L'?uvre parait simple et
facile a force d'art. Parce qu'elle est sans clameur et sans cri, parce qu'elle
ne fait jamais de bruit, on pourrait la croire sans baleine. Enfin elle semble
se jouer dans la demi-teinte, parce qu'elle possede la maitrise des valeurs et
du clair-obscur. Rien n'est si faux. Il est necessaire, au theatre ou dans la
chambre' sur le clavier ou a l'orchestre, d'exprimer avec un soin jaloux
toutes les nuances de cette musique: on s'etonne alors de tout ce qu'elle
recele: on percoit, a la juste echelle de l'ensemble, la puissance des eclats,
du tragique et de la passion, comme on sent deja le charme extreme de la
tendresse et les seductions de la melancolie. Le dedain de Debussy pour
l'effet est sans parallele2. Pour moi, eut-il commis des crimes, Debussy est
par la d'une sainte vertu: depuis la Renaissance, il n'y a que Bach pour la
partager avec lui3. Il finit presque toutes les scenes et tous les actes de son
drame dans une sorte de silence inimitable, qui est precisement la
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palpitation profonde de l'emotion: elle prend fin, a la lettre, comme on
meurt, comme on s'evanouit, soit de douleur, soit de plaisir. Pres de ce
soupir, tout cri est faible. Toute explosion manque de force et d'echo pres
de ce fremissement. Et on ne comprend rien a Debussy, tant qu'on ne l'a
pas saisi dans cet ebranlement secret de l'ardeur la plus intime**.
ANDRE SUARES. Debussy (1922).
Примечания:
1. Имеется в виду камерная музыка. 2. Единственным в своем роде. 3. "Et, pour etre
juste, assez souvent Moussorgski." (Note de l'auteur.)
\
Вопросы:
* "Un grand poeme se suffit, la musique le gate." - Etes-vous de cet avis? Connaissez-
vous dt grands poetes qui ont accepte ou meme souhaite de voir ta musique ilhistier leurs
csuwes)
** L'auteur n'a-t-il pas cherche un style souvent proche de celui du musicien?
LE GROUPE DES SIX
DE meme que l'auteur de Pelleas et Melisande avait moins reagi contre
Wagner que contre le wagnerisme, les musiciens de la generation suivante
furent moins les adversaires de Debussy que du debussysme. Aussi fut-ce
surtout far une reaction bien naturelle et -pour souligner leur independance
que les plus marquants d'entre eux furent amenes a se reunir pour former ce
qu'on a appele depuis "le Groupe des Six".
ENTRETIEN AVEC FRANCIS POULENC (ne en 1899)
On trouvera ici un extrait des Entretiens qu'en 1952 le critique musical Claude Rostand
eut, a la Radio, avec le compositeur Francis Poulenc.
CLAUDE ROSTAND. - Comment avez-vous connu vos camarades du
Groupe des Six?
FRANCIS POULENC. - Avec une rare logique, j'ai connu d'abord celui
qui est devenu depuis mon frere spirituel: j'ai nomme Georges Auric. Nous
avons exactement le meme age, je suis son aine d'a peine un mois, mais,
intellectuellement, je me suis toujours senti son cadet.
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La precocite d'Auric etait telle, dans tous les domaines, qu'a quatorze
ans on le jouait a la Societe Nationale de Musique. A quinze, il discutait
sociologie avec Leon Bloy, theologie avec Maritain, et a dix-sept ans,
Apollinaire lui lisait les Mamelles de Tiresias1 en lui demandant son avis.
Vines", avec son intelligence d'insecte, comprit tout de suite que nous
etions faits l'un pour l'autre, et il y avait tout juste deux mois que je prenais
mes lecons de piano avec lui, qu'il me presenta a Georges Aude. Ceci se
passait en 1916, si j'ai bonne memoire.
Auric habitait alors a Montmartre, derriere le Sacre-C?ur, rue Lamarck.
Je revois avec emotion les moindres details de sa chambre. Sur un
piano, rarement accorde, au toucher capricieux, une montagne de musique
s'accumulait, qui temoignait d'un parfait eclectisme, allant des
polyphonistes du XVIe siecle aux operettes de Messager, en passant par le
Pierrot lunaire d'Arnold Schonberg et l'Allegro Barbara de Bartok...
Tout dans la vie a contribue a nous faire vivre parallelement, Auric et
moi: nous avons cree les Noces de Strawinsky ensemble. Nous avons fait
partie tous deux de l'equipe de Diaghiiew3, nous nous sommes partage
l'affection d'un Paul Eluard, et que sais-je encore!..
CLAUDE ROSTAND. - En effet, ce que vous dites est tres frappant. Du
moins, j'ai toujours ete frappe, en assistant a une conversation entre Auric
et vous, par cette sorte de complicite secrete qui existe entre vous deux, et
dans laquelle il semble impossible de s'introduire... Mais apres Auric?..
FRANCIS POULENC. - Le second des Su; que j'ai connu, c'est Arthur
Honegger, en 1917, chez Jeanne Bathori...
Chere grande Jeanne Bathori, que n'a-t-elle pas fait pour la musique
moderne! Premiere interprete de Debussy, Ravel, Faure, Roussel, Satie,
Milhaud, et de tant d'autres, elle reunissait dans son atelier du boulevard
Pereire les jeunes musiciens desireux de se rencontrer ou de se connaitre.
Andre Caplet4, recemment revenu du front, dirigeait parfois, chez elle,
une etrange chorale ou l'on voyait, parmi les basses, mes deux maitres,
Ricardo Vines et Charles K?chlin5, et, dans je ne sais plus quel emploi:
Honegger et moi-meme. Il s'agissait de chanter les Trois Chansons
a capella6 de Ravel, encore inedites.
Le resultat n'etait pas. brillant, mais la bonne volonte y etait.
Les premieres fois, Honegger m'intimida malgre ce bon sourire
d'accueil si jovial qu'il a toujours garde, mais je ne tardai pas a me
familiariser avec lui et tout alla au mieux lorsque je le vis dans Le Jeu de
Rotin et de Marion, monte par Bathori au Vieux-Colombier7, deguise en
tambourinaire par son ami le peintre Ochse. Une douee jeune fille au
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visage preraphaelique l'accompagnait toujours. Cette douce jeune fille, si
modestement savante, est devenue, depuis lors, son epouse. J'ai toujours
conserve pour elle une tendre affection...
CLAUDE ROSTAND. - Et ensuite?
FRANCIS POULENC. - A la meme epoque, j'ai connu Germaine
Tailleferre et Louis Durey. Qu'elle etait ravissante en 7977 notre Germaine,
avec son cartable d'ecoliere plein de tous les premiers prix du
Conservatoire8! Qu'elle etait gentille et douee! Elle l'est toujours, mais je
regrette un peu que, par exces de modestie, elle n'ait pas sorti d'elle-meme
tout ce qu'une Marie Laurencin9 par exemple a su tirer de son genie
feminin...
Louis Durey, le loyal Durey, qui, par je ne sais quel scrupule, se separa
de nous au moment ou Les Maries de la Tour Eiffel 'Consacraient, d'une
facon ephemere, notre groupe arbitraire, Louis Durey, le silencieux Durey,
est l'image meme de la modestie et de la noblesse. Je lui dediai mes
premieres melodies. Le Bestiaire ", que j'avais compose, sans le savoir, en
meme temps que le sien. J'aimerais qu'on voie, dans ce sensible hommage,
la tendre estime dans laquelle je l'ai toujours tenu.
CLAUDE ROSTAND. - Et Milhaud, notre Darius, qu'attendez-vous pour
en parler?
FRANCIS POULENC. - Soyez patient: j'ai adopte l'ordre chronologique,
et n'oubliez pas qu'au debut, Milhaud ne faisait que virtuellement partie de
notre groupe puisque, en 1917, il etait encore au Bresil avec Paul Claudel...
Lorsqu'il en revint, j'eus litteralement le coup de foudre, ce qui est aussi
valable en amitie qu'en amour. Qu'il etait seduisant, ce robuste
Mediterraneen, appuye sur une fine canne de rhinoceros, habille de gris
clair, avec des cravates fraise et citron! Qu'il etait amusant avec ses
histoires des tropiques, et que c'etait delicieux de l'entendre jouer, avec ce
toucher adorablement negligent, ses albums de voyage: Saudades do Brazil
ou Le B?uf sur le Toit!..
Avec les annees, j'admire de plus en plus l'?uvre de Milhaud. Qu'il est
loin le temps ou j'ecrivais a Sauguet une lettre injuste et sotte sur La
Creation du Monde, lettre que le cher Darius eut l'indiscretion de lire, un
jour ou elle tramait sur la table de Sauguet1 !
En reentendant, l'hiver passe. La Creation, j'en admirais, au contraire, la
beaute sans rides, sans tics d'epoque.
CLAUDE ROSTAND. - Maintenant que vous avez nomme les "Six",
parlez-nous donc du Groupe des Six.
FRANCIS POULENC. - Six musiciens ayant ete plusieurs fois reunis, par
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la grace de Jeanne Bathori au Vieux-Colombier et de Felix Delgrange
a Lyre et Palette, Henri Collet, critique de Com?dia", nous baptisa les six
Francais, a l'instar des cinq Russes fameux14. Le slogan etait facile mais, la
jeunesse etant friande de publicite, nous acceptames une etiquette qui, au
fond, ne signifiait pas grand-chose. La diversite de nos musiques, de nos
gouts et degouts, dementait une esthetique commune. Quoi de plus oppose
que les musiques d'Honegger et d'Auric? Milhaud admirait Magnard'15 moi
pas; nous n'aimions ni l'un ni l'autre Florent Schmitt16 qu'Honeggei
respectait; Arthur, par contre, meprisait, au fond de lui-meme, Satie17,
qu'Auric, Milhaud et moi adorions... On voit du coup que le Groupe des
Six n'etait pas un groupe esthetique, mais une simple association amicale*.
FRANCIS POULENC. Entretiens avec Claude Rostand (1952).
Примечания:
1. Положенные на музыку Эриком Сати. 2. Рикардо Виньес, знаменитый испан-
ский пианист, большой друг Дебюсси. 3. Сергея Дягилева, прославленного руководи-
теля русского балета. 4. Автор, в частности, "Зеркала Иисуса". 5. Композитор и теоре-
• тик музыки. 6. То есть без музыкального сопровождения. 7. Театр в Париже, основан
в 1913 г. Жаком Копо. 8. Высшая школа музыки и декламации. 9. Знаменитая худож-
ница (1885 -1956). 10. Текст Жана Кокто. 11. На стихи Аполлинера. 12. Анри Соге.
один из самых популярных композиторов той эпохи. 13. Газета, посвященная искус-
ству. 14. Римский-Корсаков, Мусоргский, Балакирев, Бородин и Цезарь Кюи
15. Автора "Геркёра". 16. Автора "Трагедии о Саломее" 17. Эрика Сати, автора, в
частности, "Парада", "реалистического балета" на сюжет Жана Кокто.
Вопросы:
* Qu'est-ce qui fait ^interet principal de ce texte?
UN CINEASTE FRANCAIS; RENE CLAIR
(ne en 1898) ...
... On peut meme dire: tres - ou trop -francais...
Lorsqu'on pense a lui, un adjectif surgit: impeccable. Impeccables les
pointes dures du faux col, la raie qui separe ses cheveux chatains
soigneusement lisses, sa courtoisie, l'ordre qui regne sur son bureau, la
forme des vingt-trois films qui constituent son ?uvre. Il ecrit le cinema
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comme La Fontaine ecrit le francais, en phrases impitoyables, claires,
droles et... impeccables.
Il fait aussi penser a ces plaques de verre dont on recouvre les bureaux.
On pose la main et on sursaute: c'est glace. On renverse de l'encre: elle
glisse. On laisse tomber son stylo: il s'epointe1 On veut soulever ce verre
transparent: il est trop lourd.
Rene Clair est inhumain et gai comme un poisson rouge qui vous ferait
de temps en temps un clin d'?il du fond de son aquarium pour vous dire:
"Et si j'etais un leopard qui s'est fait la tete d'un poisson rouge pour
vous mystifier?"
Tout ce qu'il dit, tout ce qu'il fait, procede d'une intelligence feroce
toujours en alerte, d'une habilete ou il a atteint l'art supreme: celui de la
camoufler.
Il est l'unique "cinecrivain" francais qui ait fait ?uvre humoristique.
Ses personnages se debattent dans des situations tragi-comiques ou
interviennent toujours leur esprit, parfois leur c?ur, jamais le reste.
Rene Clair est le seul auteur qui, s'inspirant de la vieille legende de
Faust pour realiser La Beaute du Diable, a pratiquement supprime
Marguerite.
"Voyons, disait-il un jour a Clouzot2 pendant qu'il preparait le film,
Faust est un homme intelligent, mur... C'est un savant, un cerveau remarqu-
able... Et vous vous figurez qu'il vendrait son ame au diable pour l'amour
d'une femme?" Allez, allez, Marguerite, rejoindre, dans l'ombre discrete ou
toujours il les confina, les heroines gracieuses et vides de Rene Clair,
l'homme qui domine toutes les contingences" y compris celle autour de
laquelle on fait curieusement tant de bruit s les femmes (...).
Jeune premier execrable, moustachu et affame, roulant ses "grandes
mirettes4" pour trois mille francs par mois, au coin de.s ecrans muets de
1922, en ces temps heroiques qu'il a retraces dans Le Silence est d'or, il
devient un jour assistant de Jacques de Baroncelli5.
"Tiens, tiens, se dit-il, de ce cote-ci de la camera6 c'est beaucoup plus
amusant."
D'amuse il devient possede, et, pour tourner son premier petit film, il
choisit la vedette qu'il connaissait le mieux, celle dont il a si tendrement et
si souvent eclaire le visage: Paris.
"Tu es ne a Belleville? Banlieusard!., dit-il a Maurice Chevalier, parce
que lui, il est ne aux Halles."
Paris qui dort... quelques centaines de metres de pellicule tournes au
temps merveilleux ou le cinema, metier d'artisan illumine, se nourrissait de
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foi plus que de millions Lorsqu'il commenca son deuxieme film, Entracte,
il etait inconnu Ses amis, tout aussi inconnus, s'appelaient Henri Jeanson,
Marcel Achard Le' lendemain du soir ou Entracte fut projete, Pans
connaissait Rene Clair
Le film lui avait ete commande par un mecene suedois, Rolf de Mare,
qui engloutissait royalement des millions au theatre des Champs-Elysees
pour y monter des ballets Le peintre Francis Picabia et le compositeur Erik
Satie eurent l'idee revolutionnaire de faire projeter, pendant l'entracte de
leur ballet Relache, un petit film Rene Clair en fut charge
Lorsqu'on vit, en 1924, sur un ecran, un corbillard7 charge de couronnes
de pain traine par un chameau, Achard8, Jeanson9 et Pierre Seize9 tenant les
cordons du poele10, le chameau se mettant soudain a galoper, suivi au pas
de course par le cortege funebre, il y eut un moment de stupeur indignee
On cria au scandale C'est souvent ainsi que l'on crie au genie Ce vieux