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monsieur en chapeau melon et col dur qui traverse depuis tous ses films etqui fut toujours interprete par son vieil ami Paul Oilivier, c'est le souvenir
d'Erik Satie, dont l'esprit etait fait pour l'enchanter Satie declarait, par
exemple "Rien ne sert de refuser la Legion d'honneur (il faisait allusion
a Maurice Ravel) Encore faut-il ne pas l'avoir meritee " ( )
Les Clair, toujours accompagnes d'un caniche adore, "Bijou", et
rarement de leur grand fils Jean-Francois, photographe, font aujourd'hui
partie des cinq cents personnes qui se rencontrent a New York, se donnent
rendez-vous le lendemain a Pans, telephonent a Hollywood, sont a Rome
quand on les cherche a Londres ( )
A Pans, ils habitent un grand appartement impeccable Lui
y rapporte parfois l'objet etonnant qu'il a trouve au marche aux puces" ou
il se rend tous les samedis avec son ami le compositeur Georges Van Parys
( )
Ce n'est ni un improvisateur ni un hesitant Au debut du parlant12, le
micro etait une sorte d'animal sacre avec lequel l'ingenieur du son
terrorisait les techniciens Resolu a se defaire de cette tyrannie, Rene Clair
placa un jour le micro la ou il lui semblait bon, sans prevenir l'ingenieur
On tourna
"Le son est bon7 demanda-t-il
- Excellent
- Bien Alors, a partir de maintenant, vous ne m'ennuierez plus"
Le montage des bandes sonores devenait affaire de specialistes Rene
Clair fit tourner un petit film a son assistant Georges Lacombe et s'attela
lui-meme a en executer le montage Pour comprendre, pour eliminer la
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aussi la tyrannie du specialiste
C'est un homme dont on ne se moque pas, dont on ne sourit pas
L'ironie, c'est lui qui l'exerce aux depens des autres, et on l'imagine mal
tolerant la moindre plaisanterie a son sujet
On le sent toujours conscient de lui-meme, de son propre corps maigre
comme de son role dans la societe, prompt a se blesser Qui sait ou les
complexes d'inferiorite vont parfois se cacher9
Avec ou sans collaborateui - il fait toujours le contraire de ce que ses
collaboiateuis lui pioposent - il a ecrit le scenano de tous ses films II
affirme que la mise en scene proprement dite s'apprend aisement et que sui
deux cents personnes choisies au hasard dans la rue, il se tait fort de
trouvei' et de former deux metteurs en scene Mais, selon lui, on ne forme
pas un scenariste, on n'enseigne pas a avoir des idees On peut seulement
apprendre ce qu'il ne faut pas fane et loisqu'on ecrit par exemple "Elle
attendait tous les sons sous le reverbere ", c'est une vue de l'esprit14 mais
pas une prise de vue
Inutile de lui envoyer des scenarios, il ne les lit pas, a moins qu'ils ne
soient rediges sur une page
II ne dit jamais de mal de ses confreres, au contraire, et se plait a penser
qu'ils font preuve de la meme tenue En quoi il a raison d'ailleurs il existe
entre les grands du cinema francais un climat de cordiale admiration
reciproque volontiers exprimee Au fond de soi, chacun pense natuielle-
ment qu'il est le meilleur
Mais quand Rene Clan parle de ses tilms, il dit "Cette scene-la' Oui
C'etait gentil "
Intelligent, trop intelligent pour tomber dans le piege de la vanite
Tellement intelligent'1'
FRANCOISE GIROUD vous presente le Tout Patit, (1952)
Примечания
1 Кончик пера сломался 2 Французский кинематографист 3 Над всеми случай-
ностями 4 Ьольшие глаза гляделки (жаргонное выражение] 5 Французский ки-
нематографист 6 Со стороны оператора а не актера 7 Катафалк 8 Комедиограф
9 Журналист 10 Гробового покрова 11 Блошиный рынок на котором торгуют
подержанными вещами, барахолка 12 Те звуковое кино 13 Способен наши
14 Умозрительная идея не соотносящаяся с реальностью
Вопросы
* Superiorite et insuffisances de ce genie de talent Pouvez vous oppose) a un Rene
Clan tel cineaste de votre сhois?
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"FLUCTUAT NEC MEROITUR"
ESPRIT d'une curiosite universelle, traducteur de Shakespeare, de Goethe, de
Joseph Conrad, de Rabindranath Tagore, auteur d'une •penetrante etude sur
Dostoiewski, ANDRE GIDE ne peut etre taxe de nationalisme etroit ou aveugle.
On n'en est que plus a l'aise pour lui confier le soin d'apporter, par un eloge
equitable de la culture francaise, la note finale a cet ouvrage.
La grandeur, la valeur, le bienfait de notre culture francaise, c'est qu'elle
n'est pas, si je puis dire, d'interet local. Les methodes de pensee, les verites
qu'elle nous enseigne, ne sont pas particulierement lorraines1 et ne risquent
point, par consequent, de se retourner contre nous lorsqu'adoptees2 par un
peuple voisin. Elles sont generales, humaines, susceptibles de toucher les
peuples les plus divers; et comme, en elles, tout humain peut apprendre
a se connaitre, peut se reconnaitre et communier, elles travaillent non a la
division et a l'opposition, mais a la conciliation et. a l'entente.
Je me hate d'ajouter ceci, qui me parait d'une primordiale importance: la
litterature francaise, prise dans son ensemble, n'abonde point dans un seul
sens... (je songe au mot exquis de Mme de Sevigne, qui disait d'elle-meme:
"Je suis loin d'abonder dans mon sens", indiquant ainsi qu'elle gardait sur
elle-meme et sur les entrainements de sa sensibilite un jugement critique
sans complaisance). La pensee francaise, en tout temps de son developpe-
ment, de son histoire, presente a notre attention un dialogue*; un dialogue
pathetique et sans cesse repris, un dialogue digne entre tous d'occuper (car
en l'ecoutant, l'on y participe) et notre esprit et notre c?ur - et j'estime
que le jeune esprit soucieux de notre culture et desireux de se laisser
instruire par elle, j'estime que cet esprit serait fausse, s'il n'ecoutait, ou
qu'on ne lui laissat entendre, que l'une des deux voix du dialogue: un
dialogue non point entre une droite et une gauche politiques, mais bien
plus profond et vital, entre la tradition seculaire, la soumission aux
autorites reconnues, et la libre pensee, l'esprit de doute, d'examen, qui
travaille a la lente et progressive emancipation de l'individu. Nous le
voyons se dessiner deja dans la lutte entre Abelard3 et l'Eglise - laquelle,
il va sans dire, triomphe toujours, mais en reculant et reedifiant chaque fois
ses positions fort en deca de ses lignes premieres. Le dialogue reprend avec
Pascal contre Montaigne. Il n'y a pas d'echange de propos entre eux,
puisque Montaigne est mort lorsque Pascal commence a parler; mais c'est
pourtant a lui qu'il s'adresse - et pas seulement dans l'illustre entretien
avec M. de Sacy. C'est aux Essais de Montaigne que le livre des Pensees
s'oppose, et contre lequel, pourrait-on dire, il s'appuie. "Le sot projet qu'il
eut de se peindre", dit-il de Montaigne, sans pressentir que les passages des
Pensees ou lui-meme, Pascal, se peint et se livre, avec son angoisse et ses
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doutes, nous touchent aujourd'hui bien plus que l'expose de sa
dogmatique4. Et de meme ce que nous admirons en Bossuet, ce n'est pas le
theologien desuet, c'est l'art parfait de sa langue admirable, qui en fait un
des plus magnifiques ecrivains de notre litterature: l'art sans lequel on ne le
lirait plus guere aujourd'hui. Cette forme, que lui-meme estimait profane,
c'est cette forme grace a laquelle il survit.
Dialogue sans cesse repris a travers les ages et plus ou moins dissimule
du cote de la libre pensee, par prudence, cette "prudence des serpents",
comme dit l'Ecriture, car le demon tentateur et emancipateur de l'esprit
parle de preference a demi-voix; il insinue, tandis que le croyant proclame,
et Descartes prend pour devise larvatiis prodeo, "je m'avance masque" -
ou mieux, c'est sous un masque que j'avance.
Et parfois l'une des deux voix l'emporte: au XVIIIe siecle, c'est celle de
la libre pensee, plus masquee5 du tout. Elle l'emporte au point d'entrainer,
comme necessairement, un desolant tarissement du lyrisme. Mais
l'equilibre du dialogue, en France, n'est jamais bien longtemps rompu.
Avec Chateaubriand et Lamartine, le sentiment religieux, source du
lyrisme, resurgit magnifiquement. C'est le grand flot du romantisme. Et, si
Michelet et Hugo s'elevent contre l'Eglise et les Eglises, c'est encore avec
un profond sentiment religieux.
Roulant de l'un a l'autre bord, le vaisseau de la culture francaise
s'avance et poursuit sa route hardie, fluctuai nee mergilur 6 - il vogue et
ne sera pas submerge. 11 risquerait de l'etre, il le serait, du jour ou l'un des
deux interlocuteurs du dialogue l'emporterait definitivement sur l'autre et le
reduirait au silence, du jour ou le navire verserait ou s'inclinerait tout d'un
cote. De nos jours, nous assistons a une prodigieuse eclosion d'ecrivains
catholiques: apres Huysmans et Leon Bloy7 Jammes, Peguy, Claudel,
Mauriac, Gabriel Marcel8, Bernanos, Maritain9... Mais sans parler d'un
Proust ou d'un Suares, le massif et inebranlable Paul Valery suffirait a les
balancer. Jamais l'esprit critique ne s'etait plus magistralement exerce sur
les problemes les plus divers et n'avait mieux su se prouver createur. Or, je
me souviens du mot d'Oscar Wilde: "L'imagination imite; c'est l'esprit
critique qui cree", mot qui pourrait etre de Baudelaire et que chaque artiste
aurait profit a mediter. (Il ne s'agit pas, il va sans dire, de la critique
d'autrui, mais de soi-meme.) Car, parmi les multiples phantasmes10 que
l'imagination desordonnement1 ' nous propose, l'esprit critique doit choisir.
Tout dessin implique un choix - et c'est une ecole de dessin que j'admire
surtout en la France*...
ANDRE GIDE. I-'euillets d'Automne (1949)
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Примечания:
\. Намек на Мориса Барреса, писателя, по происхождению лотарингца, востор-
женно прославлявшего Лотарингию. 2. Lorsqu'elles sont adoptees. 3. Французский тео-
лог (1079 -1142), известный своей любовью к Элоизе. Его идеи были сочтены слиш-
ком дерзкими и осуждены церковью. 4. Раздел теологии, изучающий догмы. 5. Qui
n'est plus masquee. 6.Девиз Парижа: "Качается (па волнах), но не гонет" (лат.) 1. Ка-
толический писатель, автор многочисленных романов и памфлетов. 8 Современный
философ и драматург, один из главнейших представителей христианского экзистен-
циализма. 9. Современный философ-томист. 10. Видения, порождаемые воображени-
ем при некоторых психических заболеваниях. 11. Expression vieillie = d'une facon
desordonnee.
Вопросы:
* Illustrez, a {'aide d'exemples tires (lu chapitre iig. Pensee francaise, ce terme d'Andre
Gide.
* Expliquez cette expression un peu curieuse critique tres penetrant? Celte page ne
revile-t-elle pai, en Gide, un critique tres penetrant?
XVIII. Новые голоса
LA FEMME ROMPUE
Feministe convaincue, auteur de l'inoubliable "Deuxieme Sexe", Simone de
Beauvoir n'a cesse de militer pour que les femmes aient une vie independante,
personnelle, exercent un metier au lieu de se vouer entierement aux taches
conjugales et familiales. Autrement, gare a la catastrophe si, l'age venant, le
mari a tendance a chercher une compagne plus jeune, ou si les enfants quittent
la maison. C'est la pitoyable aventure dont va etre victime l'heroine de "La
Femme rompue". Epouse depuis vingt-deux ans d'un medecin avec qui elle
forme un couple tres uni, mere de deux filles dont l'une est mariee et l'autre en
Amerique, elle souffre de voir son mari consacrer de plus en plus de temps
a ses travaux de recherche et s'eloigner d'elle peu a peu. Une nuit ou il est
rentre a une heure tres tardive, elle le presse de questions.
J'ai demande doucement:
"Dis-moi pourquoi tu rentres si tard?" Il n'a rien repondu.
"Vous avez bu? Joue au poker? Vous etes sortis? Tu as oublie l'heure?"
Il continuait a se taire, avec une espece d'insistance, en faisant tourner
son verre entre ses doigts. J'ai jete au hasard des mots absurdes pour le
faire sortir de ses gonds et lui arracher une explication:
"Qu'est-ce qui se passe? Il y a une femme dans ta vie?" Sans me quitter
des yeux, il a dit:
"Oui, Monique, il y a une femme dans ma vie" . (Tout etait bleu au-
dessus de notre tete et sous nos pieds; on apercevait a travers le detroit la
cote africaine. Il me serrait contre lui. "Si tu me trompais, je me tuerais.
- Si tu me trompais, je n'aurais pas besoin de me tuer. Je mourrais de
chagrin". Il y a quinze ans. Deja? Qu'est-ce que quinze ans? Deux et deux
font quatre. Je t'aime, je n'aime que toi. La verite est indestructible, le
temps n'y change rien.)
"Qui est-ce?
- Noellie Guerard.
- Noellie! Pourquoi?"
Il a hausse les epaules. Evidemment. Je connaissais la reponse: jolie,
brillante, aguicheuse. Le type de l'aventure sans consequence et qui flatte
une homme. Avait-il besoin d'etre flatte?
Il m'a souri:
"Je suis content que tu m'aies interroge. Je detestais te mentir.
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- Depuis quand me mens-tu?"
Il a a peine hesite:
"Je t'ai menti a Mougins. Et depuis mon retour". Ca faisait cinq
semaines. Pensait-il a elle a Mougins?
"Tu as couche avec elle quand tu es reste seul a Paris?
- Oui.
- Tu la vois souvent?
- Oh! non! Tu sais bien que je travaille..."
J'ai demande des precisions. Deux soirees et un apres-midi depuis son
retour, je trouve que c'est souvent.
"Pourquoi ne m'as-tu pas prevenue tout de suite?" Il m'a regardee
timidement et il m'a dit, avec du regret dans la voix: "Tu disais que tu
mourrais de chagrin...
- On dit ca.
J'ai eu envie de pleurer soudain: je n'en mourrais pas, c'etait ca le plus
triste. A travers des vapeurs bleues nous regardions l'Afrique, au loin, et les
mots que nous prononcions n'etaient que des mots. Je me suis rejetee en
arriere. Le coup m'avait assommee. La stupeur me vidait la tete. Il me
fallait un delai pour comprendre ce qui m'arrivait.
"Dormons", ai-je dit.
La colere m'a reveillee de bonne heure. Comme il avait l'air innocent,
les cheveux embroussailles au-dessus du front rajeuni par le sommeil! (Au
mois d'aout, pendant mon absence, elle s'est reveillee a cote de lui: je
n'arrive pas a y croire! Pourquoi ai-je accompagne Colette a la montagne?
Elle n'y tenait meme pas tellement, c'est moi qui ai insiste. Pendant cinq
semaines, il m'a menti! Ce soir nous avons fait un serieux pas en avant). Et
il revenait de chez Noellie. J'ai eu envie de le secouer, de l'insulter, de
crier. Je me suis dominee. J'ai laisse un mot sur mon oreiller: "A ce soir",
certaine que mon absence l'atteindrait plus qu'aucun reproche; a l'absence,
on ne peut rien repondre. J'ai marche au hasard dans les rues, obsedee par
ces mots: "Il m'a menti". Des images me traversaient: le regard, le sourire
de Maurice poses sur Noellie. Je les chassais. Il ne la regarde pas comme il
me regarde. Je ne voulais pas souffrir, je ne souffrais pas, mais la rancune
me suffoquait: "II m'a menti!" Je disais: "Je mourrais de chagrin"; oui,
mais il me le faisait dire. Il avait mis plus d'ardeur que moi a conclure notre
pacte: pas de compromis, pas de licence. Nous roulions sur la petite route
de Saint-Bertrand-de-Comminges et il me pressait: "Je te suffirai
toujours?" Il s'est emporte parce que je ne repondais pas avec assez de feu
(mais quelle reconciliation dans la chambre de la vieille auberge avec
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l'odeur des chevrefeuilles qui entrait par la fenetre! IL y a vingt ans: c'etait
hier). Il m'a suffi, je n'ai vecu que pour lui. Et lui, pour un caprice, il a trahi
nos serments! Je me disais: " J'exigerai qu'il rompe, tout de suite..." J'ai ete
chez Colette; toute la journee, je me suis occupee d'elle, mais interieu-
rement je bouillonnais. Je suis revenue a la maison, epuisee. "Je vais exiger
qu'il rompe". Mais que signifie le mot "exigence" apres toute une vie
d'amour et d'entente? Je n'ai jamais rien demande pour moi que je ne
veuille aussi pour lui.
Il m'a prise dans ses bras d'un air un peu egare. Il avait telephone
plusieurs fois chez Colette et personne n'avait repondu (pour qu'elle ne soit
pas derangee j'avais bloque la sonnerie). Il etait fou d'inquietude.
"Tu n'imaginais tout de meme pas que j'allais me descendre?
- J'ai tout imagine".
Son anxiete m'a ete au c?ur et je l'ai ecoute sans hostilite. Bien sur, il a
eu tort de rne mentir, mais il faut que je comprenne; la premiere hesitation
fait boule de neige: on n'ose plus avouer, parce qu'il faut avouer aussi qu'on
a menti. L'obstacle est encore plus infranchissable pour des gens qui
comme nous mettent si haut la sincerite. (Je le reconnais: avec quel
acharnement j'aurais menti pour dissimuler un mensonge.) Je n'ai jamais
fait sa part au mensonge. Les premiers mensonges de Lucienne et de
Colette i m'ont scie bras et jambes. J'ai eu du mal a admettre que tous les
enfants mentent a leur mere. Pas a moi ! Je ne suis pas une mere a qui on
ment; pas une femme a qui on ment. Orgueil imbecile. Toutes les femmes
se pensent differentes; toutes pensent que certaines choses ne peuvent pas
leur arriver, et elles se trompent toutes.
Simone de Beauvoir, La femme rompue
PLUS JAMAIS
Louise de Vilmorin (1902-1969), avant d'etre, dans les dernieres annees de sa vie,
l'amie d'Andre Malraux, fut un delicat poete ("L'Alphabet des aveux") et une
romanciere contant avec gtace des intrigues sentimentales ('--Sainte une fois
Madame de..."). Elle evoque ici avec melancolie le renoncement a l'amour.
Plus jamais de chambre pour nous,
Ni de baisers a perdre haleine
Et plus jamais de rendez-vous
Ni de saison, d'une heure a peine,
Ou reposer a tes genoux.
Pourquoi le temps des souvenirs
Doit-il me causer tant de peine
Et pourquoi le temps du plaisir
M'apporte-t-il si lourdes chaines
Que je ne puis les soutenir?
Rivage, oh! rivage ou j'aimais
Aborder le bleu de ton ombre
Rives de novembre et de mai
Ou l'amour faisait sa penombre
Je ne vous verrai plus jamais.
Plus jamais, c'est dit. C'est fini.
Plus de pas unis, plus de nombre,
Plus de toit secret, plus de nid,
Plus de levre ou fleurit et sombre
L'instant que l'amour a beni.
Quelle est cette nuit dans le jour?