Les moyens linguo-stylistiques de letude du texte

Ministère de lтАЩEnseignement public de lтАЩUkraine

Université nationale pédagogique

Institut de philologie étrangère

Département dтАЩallemand et de français


Mémoire de cours:

Les moyens linguo-stylistiques de lтАЩétude du texte


Mémoire de cours de lтАЩétudiante:

Konachaivitch Olga Igorivna

Directeur scientifique

Maître de conférences

Vinichouk L.S.


Kyiv

2005


Table des matières

1. Introduction

2. Liens de la linguistique textuelle avec dтАЩautres sciences

3. Objet de la linguistique textuelle

4. Limites de lтАЩanalyse linguistique du sens

5. Notion de texte dans la linguistique textuelle

6. Texte littéraire

7. Problème définitoire du texte

8. Règles du discours

9. Liens de la linguistique textuelle avec la stylistique

10. Texte en cadres de la stylistique

11. Notion de style

12. Langue et style

13. Analyse linguistique du récit

14. Conclusions

15. Ouvrages étudiés


INTRODUCTION

La linguistique, étude scientifique du langage humain, a, depuis vingt ans, été la bonne fée des sciences humaines. Il nтАЩest pas de porte quтАЩelle nтАЩait paru devoir ouvrir miraculeusement. Elle a prêté son vocabulaire à la sociologie, à la psychanalyse, à lтАЩhistoire, à lтАЩanalyse des mythes. Elle a même débordé sur la biologie dтАЩun côté, sur la critique littéraire et artistique de lтАЩautre. Cet engouement sтАЩexplique, en partie, par le fait que la linguistique nтАЩa pénétré en France quтАЩavec beaucoup de retard, à partir de 1950 environ. Cette prise de conscience tardive sтАЩest traduite dans bien des cas par des exploitations abusives et souvent érronées de notions linguistiques mal comprises. Ignorée la veille, la linguistique est devenue un beau matin la potion magique тАУ utilisée à tort et à travers en dehors de son champ propre.

La linguistique actuelle se laisse plus facilement définir : son objet est la langue, composante sociale du langage, qui sтАЩimpose à lтАЩindividu et sтАЩoppose à la parole, manifestation volontaire et individuelle. La langue est un système de signes particuliers dont lтАЩétude exclut tout point de vue normatif. DтАЩoù la constitution dтАЩune terminologie nouvelle et rigoureuse. La langue parlée, oubliée pendant longtemps, devient lтАЩobjet de la recherche. Elle est envisagée, à un moment donné, comme une structure étalée, un système de valeurs dont les unités sont différentielles, oppositives, négatives.

La linguistique est généralement définie comme lтАЩétude scientifique du langage. Mais cette discipline, qui part donc de lтАЩétude du langage, en arrive surtout à sтАЩen occuper des langues. L.Hjelmslev remarque quтАЩelle a comme objet spécifique la langue, ainsi comme objet étudié le langage. A.Martinet constate, de son côté, que la linguistique étudie principalement la langue et, marginalement, le langage, instrument de communication par manifestation vocale. En fait, deux conceptions de la linguistique coexistent :

1. La linguistique comme description des langues: elle sтАЩappuie sur lтАЩobservation objective du comportement linguistique des sujets parlants; elle décrit tout ce qui caractérise en propre une langue reconnue comme telle, considérant que lтАЩétude dтАЩun état de langue peut avoir valeur explicative, et pas seulement descriptive. Se proposant comme idéal les méthodes des sciences de la nature et lтАЩobjectivite du physicien, elle considère une langue comme un système de signes linguistiques.

2. La linguistique comme étude du fonctionnement du langage : elle sтАЩappuie sur une conception unitaire du langage humain, considérant que les langues particulières ne sont que des cas particuliers du langage. Les langues diffèrent les unes des autres, non dans leurs structures profondes, mais du fait de variations tout à fait superficielles; une analyse approfondie ferait apparaître des universaux linguistiques qui témoignent dтАЩune faculté naturelle du langage. Il y aurait ainsi un répertoire universel dтАЩéléments sémantiques ou phonétiques dans lequel chaque langue choisirait les éléments de base de sa combinatoire. A la notion de langue comme système de signes est substituée la notion de langue comme système de règles.

Les signes ne se définissent que par opposition. LтАЩensemble de ces oppositions constitue dans chaque langue un système, ou plutôt un système de systèmes : système phonologique, système syntaxique, système lexical.

La linguistique comme une science très développée a plusieurs branches. Dans ce travail nous allons nous arrêter sur la linguistique textuelle ou bien lтАЩanalyse de textes et nous allons essayer dтАЩéclaircir toutes ses particularités, et ainsi que ses liens avec dтАЩautres sciences.


1.Liens de la linguistique textuelle avec dтАЩautres sciences

Les liens de la linguistique textuelle avec dтАЩautres sciences sont évidents. Elle est liée avec lexicologie, sémasiologie et, bien sûr, avec le texte lui-même, car cтАЩest à travers le texte quтАЩon découvre toutes les facultés du mot et quтАЩon réalise les acceptions figurées (secondaires) du langage. Les acceptions figurées sont opposées aux acceptions propres. Plusieurs linguistes ont de différents avis sur ce phénomène, mais sa nature reste la même : à lтАЩaide dтАЩun certain nombre de signes verbaux la langue peut décrire tous les objets qui nous entourent. Cela se passe grâce à lтАЩassimétrie du signe de la langue : le même signe peut désigner différents objets et phénomènes. Autrement dit, on peut lтАЩutiliser au sens propre ou bien au sens figuré (ce dernier nтАЩapparaît que dans le texte et nтАЩest pas fixé dans le dictionnaire).

La linguistique textuelle a aussi des liens avec la linguostylistique qui a pour but de décrire tous les types des textes. La construction de la typologie au niveau du texte est en même temps une des branches de la linguistique textuelle. Donc les domaines des recherches de ces deux sciences sont étroitement liés. Linguostylistique étudie aussi les moyens expressifs du langage, et notamment les recherches du potentiel expressif des unités de la langue des différents niveaux et leur réalisation dans le texte. Les dernières années linguostylistique a deux directions fondamentales :

1. la description systématique des éléments stylistiquement marqués;

2. lтАЩétude de leur fonctionnement.

Cela signifie lтАЩaction réciproque entre la paradigmatique stylistique et la syntagmatique stylistique. Une vraie description systématique des éléments de la langue est obligatoirement liée avec lтАЩétude de leurs caractéristiques. Au rapprochement de la stylistique et de la linguistique du texte contribue une tendance à étudier les relations des unités de la langue dans le texte suivi.

La linguistique textuelle est liée à la syntaxe. LтАЩétude du texte devient possible sтАЩil existe des unités qui se caractérisent par des facultés particulières de leurs éléments. Cela détermine les relations entre la linguistique du texte et la syntaxe car le démembrement actuel, la mise en relief du thème nтАЩest possible que dans les cadres du texte.

La linguistique textuelle se diffère dтАЩautres disciplines linguistiques. Cela concerne notamment la méthode des recherches : linguistique du texte se caractérise par explication des phénomènes linguistiques non seulement à lтАЩaide dтАЩeux-mêmes, mais aussi grâce aux facteurs extra-linguistiques : la perception du texte et lтАЩobjectif communicatif.


2. Objet de la linguistique textuelle

La linguistique du texte sтАЩoccupe de systématisation des faits sur la diversité du fonctionnement des unités de la langue dans le texte.

Le devenir de la linguistique textuelle en qualité de la branche particulière de la philologie reflète tout le développement de la linguistique moderne. CтАЩest le texte qui est une unité primaire sur laquelle se fondent toutes les disciplines linguistiques. Cette pensée, prononcée par M. Bachtine, est devenue la base pour la linguistique textuelle. Le célèbre linguiste allemand Z.Chmidt écrivait que le texte est une unité primaire, une catégorie de base. On peut trouver chez plusieurs linguistes les idées semblables à celles de Z.Chmidt et de M.Bachtine. LтАЩunité de base dтАЩune langue ce nтАЩest pas le mot ou bien la proposition. CтАЩest le texte qui est une unité supérieure et indépendante de la langue.

A présent la linguistique textuelle attire une attention particulière des linguistes. Les dernières décennies sont marquées par le vaste développement de cette science. Beaucoup dтАЩarticles, de monographies, de manuels sont consacrés à la linguistique textuelle. Le linguiste allemand P. Chartmann qui travaillait longtemps dans le domaine de la théorie du texte, écrivait dans un de ses ouvrages quтАЩà présent il existe une linguistique qui est orientée vers lтАЩétude du texte. Cette linguistique présente les dernières recherches les plus fécondes dans ce domaine. Elle élargit le diapason des intérêts en linguistique et ouvre le chemin pour toutes les autres idées linguistiques.

Sous le nom dтАЩanalyse de textes se trouvent liées deux recherches associées mais distinctes. Il sтАЩagit dтАЩune part de décrire lтАЩensemble des structures linguistiques plus grandes que les structures traditionnellement analysées dans le cadre de la phrase. Même en ne considérant que les unités grammaticales, il apparaît en effet de plus en plus nettement quтАЩon ne peut se limiter au cadre de la seule phrase. Encore plus évidemment lтАЩétude du sémantisme lexical suppose quтАЩon ne se contente pas dтАЩune méthode distributionnelle où lтАЩon rapproche tout les contextes dтАЩune unité, mais que lтАЩon tienne compte du déroulement du récit, de lтАЩargumentation : un texte ne fonctionnera pas de la même façon si cтАЩest au début ou à la fin quтАЩon indique en quel sens particulier un terme est pris.

Mais dтАЩautre part considérer un texte comme texte, cтАЩest chercher à le replacer dans lтАЩensemble du circuit de la communication, à repondre aux questions : qui sтАЩadresse à qui? en utilisant quel code? en renvoyant à quelle réalité, connue ou non autrement que par le discours, en taisant au contraire tel ou tel aspect de la réalité? Comme chacun le constate, le sens d'un roman, dтАЩun poème ou dтАЩun discours politique est tout autant dans ce quтАЩil tait que dans ce quтАЩil dit.

LтАЩintérêt vers lтАЩétude du texte est conditionné par tendance dтАЩexpliquer une langue comme un phénomène global du point de vue de la linguistique moderne, comme un moyen de communication, dтАЩétudier plus profondément les liens de la langue avec différentes côtés de lтАЩactivité humaine qui se réalise à travers le texte. On peut aussi expliquer cet intérêt par tendance dтАЩétudier les régularités de la langue qui ne se découvrent que dans le texte. Avec cela l'objet d'étude est une des fonctions fondamentales de la langue тАУ la création du texte. La linguistique textuelle est une science qui étudie la nature et lтАЩorganisation des conditions de la communication.

LтАЩidée dтАЩétudier le texte suivi a paru pour contrebalancer тАЬatomismeтАЭ et dтАЩautres méthodes des recherches qui étaient proposées par les écoles structuralistes. La linguistique structurale ne satisfaisait plus car il y avait plusieurs phénomènes quтАЩelle ne pouvait pas expliquer. Le structuralisme se caractérise par le démembrement du langage en unités terminées et leur classification. Donc aucune de ces écoles nтАЩa pu proposer une théorie de la langue qui pourrait satisfaire. On peut unir toutes ces écoles comme тАЬantimentalistiquesтАЭ.

On peut mettre en relief quelques directions du développement de la linguistique du texte :

1. lтАЩétude du texte comme système supérieur;

2. la construction de la typologie des textes selon les paramètres communicatifs et les marques linguistiques;

3. lтАЩétude des unités composant le texte;

4. la mise en relief des catégories du texte;

5. lтАЩétude des liens et des relations entre les phrases.

Le linguiste allemand P. Chartmann parle de trois autres branches :

n linguistique générale du texte;

n linguistique dтАЩun texte concret;

n linguistique de la typologie des textes.

La linguistique textuelle étudie différents aspects du texte:

aspect ontologique тАУ le caractère de lтАЩexistence du texte, ses particularités par rapport à la langue parlée,

aspect gnocéologique тАУ le caractère de la refléxion dans le texte de lтАЩactualité objective,

aspect linguistique тАУ le caractère de la présentation linguale du texte,

aspect psychologique тАУ le caractère de la perception du texte,

aspect pragmatique тАУ le caractère du rapport de lтАЩauteur du texte à lтАЩactualité objective.

Nous allons analyser chacun de ces aspects:

n Le texte cтАЩest une unité compliquée qui se diffère dтАЩune simple succession de phrases. Cette unité se caractérise par integrité communicative, achèvement sémantique, par rapports logiques et grammatiques. LтАЩun des problèmes qui apparaissent dans lтАЩétude du texte est de déterminer ses particularités et dтАЩétablir la différence entre le texte et la proposition. Les linguistes sont aussi préoccupés par les recherches des critères sémantiques et syntaxiques de lтАЩunité du texte, lтАЩunité de sa structure intérieure.

n La construction de la typologie des textes présente beaucoup de difficultés à cause dтАЩun grand nombre de variations de lтАЩobjet, cтАЩest-à-dire du texte. Mais quand même on peut déjà parler de grands résultats dans ce domaine. Il existe les descriptions des particularités communicatives, structurales et sémantiques des textes dтАЩun conte, dтАЩune ballade, dтАЩun mythe, dтАЩun roman policier et dтАЩun article.

On connaît dтАЩautres critères de la construction de la typologie des textes. Parmi eux on peut citer les suivants: le premier est fondé sur lтАЩanalyse des manières des rapports des éléments qui entrent dans le texte; le deuxième est fondé sur lтАЩétude de lтАЩobjectif communicatif et sur les particularités sémantiques du texte. La typologie créée selon deuxième critère se construit autour du modèle dтАЩun acte du langage, proposé par le fondateur du structuralisme R.Jackobson. On fait de différentes oppositions selon les éléments de lтАЩacte communicatif sur lesquels sтАЩoriente le texte.

Par exemple, sтАЩil sтАЩoriente sur lтАЩexpéditeur du message тАУ on distingue des textes collectifs (prose scientifique, langage dтАЩaffaire) et individuels (oeuvres dтАЩart).

En analysant les structures du texte on fait dтАЩautres oppositions:

des textes complets et non complets;

des textes marqués et non marqués.

DтАЩautres linguistes proposent dтАЩautres constructions de la typologie des textes. Donc on ne peut pas estimer ce problème bien étudié. Les linguistes cherchent de nouveaux critères selon lesquels on oppose les textes et on les réunit en types.

n LтАЩétude des unités qui composent le texte élargit les cadres de la théorie syntaxique, en y introduisant comme objet dтАЩétude une nouvelle unité qui est plus grande quтАЩune proposition. On nomme cette unité ensemble syntaxique composé. Cette branche de syntaxe est lтАЩune des moins étudiées. Elle a été élaborée par A.Pechkovski, L.Boulachovski, N.Pospelov.

n La mise en relief des catégories particulières du texte, des moyens de lтАЩexpression est étudiée au cours des dernières années. Cette branche est liée avec tels noms des linguistes comme I.Galperin, P.Charveg. Mais jusquтАЩà présent il nтАЩy a pas de seule opinion sur les catégories du texte et leur classification.

n LтАЩétude des relations et des liens entre les phrases préoccupe les linguistes. LтАЩexamen de la liaison sémantique et structurale entre les éléments du texte contribue à lтАЩélaboration de la syntaxe des structures composées.


3.Limites de lтАЩanalyse linguistique du sens

Dans la mésure où les échanges linguistiques oraux comme écrits sont le plus souvent de dimensions supérieures à celles de la phrase, les deux sens dтАЩanalyse de textes sont liés. DтАЩautant que les effets de sens fondamentaux, la relation à la réalité extra-linguistique, la modification du sens des éléments du тАЬcodeтАЭ ne se manifestent pas тАУ pour lтАЩessentiel тАУ au niveau de la phrase. Reste que les effets textuels au sens dтАЩeffets au niveau des grandes unités tout autant que les effets lexicaux, phoniques, syntaxiques ne sont pas étudiés ici en eux-mêmes, mais dans leur contribution au fonctionnement global du texte, ce qui pose le problème des limites de lтАЩapproche linguistique de la signification.

QuтАЩil sтАЩagisse de lтАЩanalyse de lтАЩensemble des systèmes sémiologiques ou du rôle du langage dans ce quтАЩon désigne du nom de тАЬla penséeтАЭ, il nous semble quтАЩon a largement tendu dans les développements récents des sciences humaines à oublier que la signification même de sémiotique et de linguistique ne pouvait apparaître que dans leur relation à lтАЩextra-sémiotique et à lтАЩextra-linguistique. Principalement à lтАЩensemble des pratiques qui éventuellement signifiantes, sont dтАЩabord des pratiques de modification de la nature et ne sont que secondairement signifiantes. On risque, si on oublie cela, de remplacer lтАЩidéalisme de la conscience subjective par lтАЩidéalisme objectif du тАЬtout est significationтАЭ.

Plus précisement, le fait quтАЩune pratique humaine passe par lтАЩutilisation du langage et que le langage soit un mode de communication тАЬuniverselтАЭ, non limité a priori dans son objet, ne signifie pas que le linguiste est au centre de lтАЩanalyse de cette pratique. Pour prendre deux exemples opposés:

1) Considérer un texte comme idéologique, cтАЩest non pas en faire une analyse interne en cernant des traits structurels qui distingueraient тАЬleтАЭ discours idéolologique du discours scientifique mais renvoyer ce discours à la situation et aux intérêts, aux pratiques effectives des groupes au nom desquels ce discours est tenu.

2) De même, cтАЩest dтАЩabord en tant que chimiste ou mathématicien que lтАЩon peut juger des textes de chimie ou de mathématiques : dans la mesure où cтАЩest leur valeur de vérité qui est le problème essentiel, ce nтАЩest pas ce que le linguiste a à en dire qui est central.

Peut-on alors dire que le linguiste nтАЩa à sтАЩintéresser au discours que dans la mesure où il ne sтАЩoccupe pas du problème de la vérité des textes mais seulement des тАЬmoyens linguistiquesтАЭ utilisés?

Le texte embarrasse le linguiste ou du moins lтАЩa longtemps embarrassé au point que celui-ci ignorait le plus souvent celui-là comme en témoigne cette remarque du тАЬDictionnaire encyclopédique des sciences du langageтАЭ de O.Ducrot et V. Todorov: тАЬLa linguistique limite à la phrase lтАЩobjet de son investigationтАж Il en est resulte un vide dans la théorie du texte, que des remarques dispersées de la part des littéraires nтАЩont pas encore combléтАЭ. En plus de vingt ans la situation sтАЩest sensiblement modifiée et lтАЩon peut considérer quтАЩune branche nouvelle de la linguistique est née, dont lтАЩobjet spécifique est le texte et qui reçoit des dénominations diverses telles que grammaire de texte, analyse du discours, pragmatique textuelle, linguistique textuelle, etc.

Au demeurant lтАЩattention à la réalité textuelle est loin dтАЩêtre un phénomène récent si lтАЩon sort du cadre strict des sciences du langage; elle est même fort ancienne si lтАЩon songe aux pratiques philologiques des humanistes de la Renaissance et plus encore aux analyses formelles des textes littéraires, à la base dтАЩune discipline comme la stylistique тАУ laquelle pour être relativement récente comme discipline académiquement reconnue, puise sinon sa méthodologie du moins une part de sa terminologie dans cette autre pratique de lтАЩAntiquité grecque puis latine: la rhétorique, définissable à la fois comme art de la persuasion et typologie des textes. La linguistique textuelle est donc, on le voit, une discipline quelque peu paradoxale. Evaluée à lтАЩaune de ce quтАЩil est convenu dтАЩappeler la linguistique moderne, elle paraît toute jeune et en quête de légitimité; replacée dans la longue durée des savoirs et des techniques тАУ philologique, littéraire et judiciaire тАУ qui ont pour objet, sinon le texte en général, du moins certains types de textes, elle semble nтАЩen être que le prolongement ou lтАЩélargissement.

De fait, lтАЩambition de la linguistique textuelle, comparée notamment à celle de la stylistique тАУ normalement entendue comme stylistique du texte littéraire тАУ est de décrire tout texte: non seulement ceux que la tradition reconnaît comme dotés dтАЩune qualité esthétique, mais tous les autres : textes scientifiques, techniques et juridiques, discours politiques et messages publicitaires, sans oublier la conversation quotidienne.

Loin dтАЩêtre par conséquent un objet qui se déroberait à lтАЩexamen le texte apparaît comme la donnée empirique la plus directement accessible à lтАЩobservateur. Encore faut-il pour le décrire en maîtriser la profusion et lтАЩextrême variété. De là procèdent les deux objectifs prioritaires dтАЩune linguistique textuelle: 1) la signification exacte de ce quтАЩest un texte, de son mode de fonctionnement (cтАЩest là la tâche dтАЩune grammaire de texte en général); 2) lтАЩidentification des divers types de texte qui fournit la matière dтАЩune typologie textuelle.


4.Notion de texte dans la linguistique textuelle

On nтАЩa pas encore la seule notion de texte qui serait complète et porterait le caractère terminologique. Donc on va sтАЩarrêter sur celui-ci: Вл Le texte est une quantité de propositions qui sont liées par différents types de liaison lexicale, logique et grammaticale, capable de rendre une information organisée В».

La linguistique textuelle a pour but de décrire lтАЩorganisation des conditions de la communication humaine. Conformément à cela lтАЩobjet dтАЩétude de la linguistique textuelle est le texte qui est le produit du langage parlé ou écrit.

On peut citer encore une autre notion de texte, plus étroite, proposée par I.Galperin : ВлLe texte cтАЩest un produit du langage parlé fixé par écritВ». En conformité avec cette notion le texte possède une finalité, littéralement corrigée; il a le titre et toute une série dтАЩunités particulières liées par différents types de la liaison lexicale, logique, grammatique et stylistique. Le texte se caractèrise par lтАЩincarnation graphique et par sa capacité de changer ses qualités. Le texte peut se trouver dans un état de calme ou bien dans un état de mouvement. Son existence nтАЩest bornée de rien.

Le texte reflète lтАЩactualité et donne des renseignements sur cette dernière.

Il existe plusieurs conceptions qui interprètent différemment la notion de texte selon lтАЩaspect principal quтАЩelles mettent en relief:

1) les conceptions qui mettent en relief un aspect statique : on comprend le texte comme une information dégagée de lтАЩexpéditeur,

2) les conceptions qui mettent en relief la processualité du texte : on tient compte de la capacité de la langue de fonctionner en langage.

3) les conceptions qui font lтАЩaccent sur la source du texte, cтАЩest-à-dire sur lтАЩactivité de la parole. Ces conceptions sтАЩorientent sur lтАЩacte de la communication qui suppose la présence de lтАЩexpéditeur et du destinataire.

4) les conceptions stratificationnées qui examinent le texte comme un niveau du système de la langue. LтАЩinclusion du texte dans hiérarchie des niveaux de la langue suppose lтАЩexamen dтАЩun texte abstrait et dтАЩun texte dans sa réalisation concrète.


5.Texte littéraire

La même notion Вл le texte В» embrasse de différents objets : Вл texte В» comme produit de la langue naturelle et Вл texte В» comme produit de lтАЩart. On nomme la langue naturelle un système primaire car on découvre le monde à lтАЩaide de la langue et on donne des noms aux différents phénomènes.

Le texte littéraire cтАЩest un système secondaire parce quтАЩy se croisent le reflet du monde objectif et lтАЩinvention de lтАЩauteur. La langue naturelle est un matériel de construction pour le texte littéraire. La langue du texte littéraire possède un système particulier de signes qui reste le même pour différentes langues.

Et dans ce sens on peut dire que Вл Anna Karenina В» et Вл Madame Bovary В» sont écrits en même langue. Cette langue se caractérise par une pluralité dтАЩinterprétations. Trois valeurs principales coopèrent dans le texte : la valeur de lтАЩactualité, la valeur des notions et la valeur des significations.

Le texte comme produit de la langue se caractérise par la formule Вл actualité тАУ sens тАУ texte В»; dans le texte littéraire cette formule se transforme en Вл actualité тАУ image тАУ texte В». Cela reflète telles caractéristiques du texte : union de lтАЩactualité objective et de la fantaisie, de la vérité et de la fiction.

Ces particularités du texte littéraire donnent naissance à la pluralité des plans sémantiques. En parlant de la sémantique de texte il faut mentionner le plan du contenu et le sens du texte.


6. Problème définitoire du texte

Si le texte embarrasse le linguiste, c'est qu'il a quelque mal à en donner une définition. En soi, notons-le bien, cette difficulté n'est pas exceptionnelle : la notion de texte appartient en réalité à cet ensemble de notions préthéoriques que la linguistique a héritées de la tradition grammaticale, rhétorique ou philosophique et qui sont plus intuitivement perçues que conceptuellement délimitées.

En ce qui concerne le texte, la difficulté est accrue du fait suiВнvant. En effet, ce que font clairement apparaître toutes les analyses de type structural (au sens le plus large du mot), c'est que, du phonème au syntagme, toutes les unités subphrastiques sont identifiables par le biais d'une décomposition associant la double procédure de la segmentation et de la commutation et impliquant l'existence de classes distributionnelles de phonèmes, de morphèmes et de syntagmes. Il est corrélativement possible de définir le morphème comme une suite ordonnée de phonèmes, le syntagme comme une suite ordonnée de morphèmes et la phrase comme une suite ordonnée de syntagmes : décrire la grammaire d'une langue, à travers les trois approches (phonologique, morphologique et syntaxique), c'est, notamment, mettre en évidence la nature de ces ordinations.Or, bien que l'analyse distributionnelle ait pu être présentée par cerВнtains distributionnalistes comme également applicable au texte, dès lors défini comme suite ordonnée de phrases, on voit mal ce que pourrait être une classe distributionnelle de phrases : il faudrait pour cela pouvoir définir formellement une phrase par la somme de ses environnements possibles, deux phrases étant réputées appartenir à la même classe dès lors qu'elles seraient substituables l'une à l'autre dans un même environnement.

Cela revient à dire qu'on ne saurait décomposer le texte en phrases comme on peut décomposer la phrase en syntagmes, le syntagme en morphèmes et le morphème en phonèmes тАФ ce qui signifie que, dans le cas particulier du texte, le rapport du tout à la partie ne relève pas du même type de prévisibilité que celui qui existe entre chacune des unités subphrastiques et leurs constituants imméВнdiats. Ce saut de nature, qu'on effectue en passant de la phrase au texte, est d'ailleurs explicitement reconnu par la plupart des syntacticiens qui s'accordent, en général, pour affirmer que la phrase constitue l'horizon indépassable de leur champ descriptif.

Une approche distributionnaliste du texte, outre qu'elle expose à une impasse méthodologique tenant au fait qu'on ne saurait idenВнtifier les constituants immédiats d'un texte, se heurte à une autre difficulté, inhérente à sa dimension Вл quantitative В» : aussi bien, rien n'interdit de concevoir un texte qui se limiterait à une seule phrase, elle-même d'ailleurs faite d'un seul morphème. Sans aller jusque-là, songeons au poème d'Apollinaire, Chantre, qui tient tout entier, outre son titre, dans l'unique vers :

Et l'unique cordeau des trompettes marines.

Précisément, si l'on s'accorde à reconnaître dans ce vers non pas une phrase isolée mais un texte, c'est que du fait de son association avec le titre et surtout de son début par et, il invite à chercher dans son environnement un contexte qui l'explique et surtout le justifie, si problématique soit-il. Sans doute touchons-nous là à l'essentiel : ce qui fonde l'existence du texte, ce n'est pas sa longueur тАФ elle peut être très variable тАФ, c'est la nature prioritairement contexВнtuelle de son interprétation.

Le texte se trouve de la sorte singulièrement proche de l'énoncé, défini, on s'en souvient, comme la somme d'une phrase et d'une situation (ou contexte) énonciatif. Dans le cas où le texte est d'une certaine longueur, il est en fait somme d'énoncés, lesquels sont forВнmellement identifiables à des phrases ou des séquences phrastiques (paragraphes, chapitres, etc.). Chacune de ces séquencesest tribuВнtaire de deux contextes : a) un contexte proprement linguistique, qui réunit une ou plusieurs autres séquences qui la précèdent et/ou la suivent ; b) un contexte énonciatif.

Si on accepte de définir le texte comme une suite d'énoncés (éventuellement réductible à un seul), la grammaire de texte, elle-même définissable comme l'ensemble des règles permettant l'interВнprétation (ou, plus exactement, la prévision d'interprétation) des textes, devra s'assigner тАФ au minimum тАФ deux objectifs: a) fixer les règles d'interprétation liée au contexte linguistique, indépenВнdamment de tout engagement énonciatif (composante locutoire du texte); b) fixer les règles d'interprétation liée au contexte énonciatif (composante illocutoire du texte). Indépendamment тАФ redisons-le тАФ de toute situation énonciative, tout élément d'un texte, et par conséquent tout texte, doit obéir à une règle majeure : la cohésion textuelle (ou continuité théВнmatique). Cette règle exige que toute séquence textuelle s'insère de manière satisfaisante dans son contexte linguistique. Le non-respect d'une telle règle expose à ce qu'on nomme communément le coq-à-l'âne. Ainsi, si un profesВнseur de linguistique, au milieu d'un cours, déclare d'un seul coup : Aujourd'hui est un très grand jour : le Beaujolais nouveau est arrivé,cette séquence textuelle, en elle-même pleinement interprétable, sera contextuellement inacceptable.

ВаLa grammaire de texte, dans sa prise en compte de la compoВнsante locutoire du texte, doit être en mesure de répertorier les mécanismes qui assurent le respect de la cohésion textuelle. Ces mécanismes sont essentiellement de nature sémantique.


7. Règles du discours

Par commodité, on distinguera deux ensembles de règles, d'ailВнleurs étroitement liés : a) le premier réunit les règles qui permettent la relation qu'il faut instaurer entre l'énonciateur et le destinataire pour que la persuasion soit effective ; b) le second concerne, plus spécifiquement, les moyens techniques qu'il faut mettre en œuvre, c'est-à-dire le travail du texte par l'énonciateur. L'art de persuader étant en cause dès qu'on se place non plus dans l'ordre du vrai (plan de la logique) mais dans celui du vraisemblable, l'orateur se doit de mettre en œuvre un certain nombre d'arguments de nature à emporter l'adhésion de son auditoire, c'est-à-dire à assurer la créВнdibilité de son propos.

Aristote distingue trois types d'arguments : l'argument éthique, l'argument pathétique et l'argument logique. Les deux premiers sont d'ordre affectif, le troisième d'ordre rationnel. L'argument éthique renvoie aux valeurs morales qui, normaleВнment, doivent s'attacher à la personne de l'orateur. Notamment, il doit tout mettre en œuvre pour susciter chez son destinataire la présomption de sincérité. L'argument pathétique renvoie plutôt aux effets de caractère psychologique que l'orateur doit susciter chez le destinataire : il doit notamment chercher à l'émouvoir. L'argument logique renvoie à l'argumentation même que l'orateur développe, c'est-à-dire à la dialectique du discours, aux preuves qu'il choisit et à la manière qu'il a de les agencer.

Le travail du texte. тАФ S'il est vrai que l'art oratoire est un tout et, comme lтАЩappelait G. Molinié, que la personne physique de l'orateur, son sens de la gestualité, son vêtement même importent, il reste qu'il se réalise essentiellement dans l'élaboration du discours. Le discours est conçu comme un acte de langage complexe, traditionnellement divisé en quatre temps, qu'on désigne par quatre termes techniques repris par calque des traités de rhétorique en langue latine : l'invention, la disposition, l'élocution et l'action. Les trois premiers correspondent à des phases préparatoires du discours, le quatrième à sa profération même :

тАФ L'invention : moment, liminaire, de la recherche des arguments appelés à être développés en liaison avec le sujet à traiter.

тАФ La disposition : moment où l'on organise ces arguments et où, plus généralement, l'on fait le plan du discours тАФ lequel, en principe, s'articule en quatre parties : a) l'exorde, qui, notamment dans le genre judiciaire, consiste à rendre l'auditoire bienveillant ; b) la narration, ou exposé des faits ; c) la confirmation, qui consiste en l'exposé des arguments censés conduire à la conclusion souhaitée (elle inclut la réfutation des arguments adverses) ; d) la péroraison qui, en principe, est à la fois récapitulation des arguments et appel direct à l'auditoire (non plus, comme au début, pour susciter sa bienveillance, mais son enthousiasme, sa pitié ou son indignaВнtion).

тАФ L'élocution : moment encore préparatoire, qui concerne l'écriture même du discours, notamment sa forme ou style. Cette exigence stylisВнtique, sur laquelle insiste beaucoup Aristote, se laisse définir à partir de la notion clef de convenance. Il faut qu'il y ait un rapport aussi étroit que possible entre l'objet traité et la manière de le traiter.

L'action : c'est Влla prononciation effective du discoursВ» ce qu'il peut impliquer d'effets de voix, de mimique et de gestiqueВ». Aristote définissait le genre dramatique et le genre épique resВнpectivement à partir du théâtre de Sophocle et de l'épopée homéВнrique. Autrement dit, au moins au départ, sa démarche était empirique et inductive. Toutefois, la présentation qu'il fait de ces genres, l'influence platonicienne aidant, se laisse interpréter comme archétypique et anhistorique. De fait, même si l'on admet qu'un genre (littéraire ou non) puisse faire l'objet d'infléxions historiques, il faut néanmoins postuler que la permanence l'emporte sur le changeВнment pour que l'idée même de genre, c'est-à-dire de généricité texВнtuelle, ait un sens.

De manière générale, les linguistes modernes postulent cette généricité, sans laquelle l'idée même de typologie textuelle paraît impossible. Il nous semble que cette Вл réévaluation В» moderne de la généricité textuelle a revêtu deux formes: ou bien elle privilégie la dimension locutoire du texte, ou bien elle privilégie sa dimension illocutoire.

II s'agit de mettre en évidence des constantes, ou invariants structuraux, des textes appartenant à un même genre. Le formaВнlisme russe des années 20 ou la sémantique structurale d'A. J. Greimas, dans les années 60, se rejoignent ainsi pour essayer de montrer qu'il y a, par exemple, des structures types du récit, qui sont en nombre fini, ce qui signifie que les relations entre les personnages tout comme l'enchaînement des événements obéissent à des schéВнmas par certains côtés préétablis et, à ce titre, partiellement préviВнsibles. En ce sens, on peut admettre qu'il existe une grammaire des genres, ce qui revient à dire qu'un genre (romanesque, théâtral, etc.) se définit essentiellement par l'invariance de certaines relations formelles entre les composantes textuelles qui le consВнtituent.

Probablement plus moderne que l'approche précédente, qui, à bien des égards, n'est qu'une transposition dans le plan textuel des hypothèses structuralistes, elle renoue, en profondeur, avec l'anВнtique approche aristotélicienne.


8. Liens de la linguistique textuelle avec la stylistique

Il faut bien préciser le fait que la linguistique est étroitement liée à la stylistique et surtout à la stylistique fonctionnelle.

La stylistique est à la fois une méthode et une pratique, c'est-à-dire une discipline. On en a longtemps gauchi la spécificité, voire contesté même l'existence, en la subordonnant à son objet évident : le style. Or, cette évidence est apparue, à tort ou à raison, de plus en plus opaque ; on a semblé se perdre parmi des définitions contradictoires du style ; on est allé jusqu'à dissoudre la réalité de cet objet; on est ainsi arrivé à une situation bien décevante : un champ de décombres, où l'on ne fait plus de stylistique que par provocation, ou par défaut, ou par substitution. Situation paradoxale après la grande floraison des études de langue ces dernières années ; mais situation, finalement, satisfaisante pour l'esprit routinier comme pour l'innovateur systématique.

Il est cependant dommage de ne pas profiter d'un moment privilégié dans notre époque : celui qui relie l'irremplaçable acquis des recherches classiques et traditionnelles précieux piments des développements actuels les plus modernes. La sagesse consiste donc à partir de la stylistique et non du style. On installe au départ une praxis, et on examine ce qu'on trouve à la fin.

On admet qu'il s'agit d'analyser des faits langagiers. Mais quels faits ? Il est possible d'y voir plus clair en situant la discipline par rapВнport à d'autres, avec lesquelles elle a partagé le vaste mouvement herméneutique de notre période : la linguistique, la sémiotique et la critique.

La stylistique est partie de la linguistique, entendue au sens de science du langage. Il ne faut pas être dupe de ce terme de science, surtout à cause des connotations de sciences exactes qui lui sont indûment, et comme par atavisme, attachées. Mais on peut appeler science l'investigation systématique et technique du domaine particulier de l'activité humaine qu'est le langage : une telle science, la linguistique, comprend incontestablement des disciplines diverses : phonétique et phonologie, sémantique, lexicologie, syntaxe (pour ne citer que des domaines bien connus).. stylistique. L'objet de chacune de ces discipliВнnes est plus ou moins manifesté, mais on conçoit aisément qu'il s'agit chaque fois d'une aire à délimiter dans le phénomène linguistique. En tout cas, linguistique n'est pas pris au sens d'une théorie linguistique spéciale.

La relation avec la sémiotique permet de préciser les choses. Considérée moins dans la rigueur de la doctrine que dans son esprit et d'un point de vue global, la sémiotique explore la portée significative vers l'extérieur тАФ la significativité тАФ d'un système sémiologique donné : le langage; elle emprunte donc une partie de ses méthodes à d'autres sciences qu'à la linguistique. Il n'empêche que les questions de représentativité, de valeurs significatives, sont au cœur de la problématiВнque stylistique : décrire le fonctionnement d'une métaphore ou l'organisation d'une distribution de phrase, c'est nécessaire ; mais cette opération n'a d'intérêt que si on peut aussi mesurer le degré du marquage langagier repéré en l'occurrence. Et cette mesure, de près ou de loin, est d'ordre sémiotique.

La critique, enfin, est un discours sur le discours littéraire ; elle est aussi la somme des moyens utilisables pour tenir un discours toujours plus éclairant et toujours plus intéressant ; parmi ces moyens, qui vont de l'histoire à l'esthétique, en passant par la grammaire historique, la sociologie, la psychologie et quantité d'autres approches, figure la stylistique, appliquée à la formation concrète du discours étudié. La science de la littérature, qui cerne la littérarité de ces discours, rencontre forcément les déterminations stylistiques des genres et des procédés. La stylistique est ainsi un instrument de la critique (et notamment de la critique d'attribution). Il est peut-être temps de dire clairement de quoi il s'agit ; mais on l'aura justement pressenti dans les lignes qui précèdent. En réalité, il existe plusieurs stylistiques. Et d'abord, d'une certaine façon, il y eut comme une première stylistique dérivée de la phraséologie : c'est en gros la tradition de Ch.Bally. On part du principe que, dans la pratique du langage, on peut isoler des segments de discours, identifier des faits langagiers, et traduire de diverses façons des contenus sémantiВнques identiques. Par rapport à une sorte de degré zéro d'expression, approchable à l'aide d'un dictionnaire idéologique qui contribue à éclairer les manipulations appliquées à l'ensemble des informations possibles, on délimite un écart dans le discours occurrent. On aboutit ainsi à une stylistique des parlers populaire, familier, affectif, commerВнcial, littéraire.. ; mais à une stylistique générale de chaque parler, et non à une stylistique individuelle. On peut même, dans cet esprit, établir des stylistiques comparées, de langue à langue.

Apparemment opposée à cette démarche est la tendance issue des traВнvaux de poétique de R.Jakobson, et parallèle aux études de style de G.Spitzer. On pose d'emblée pour objet un texte reçu comme littéraire, et on essaie d'en scruter le fonctionnement linguistique de manière systématique, de façon à en démonter la spécificité par opposition à d'autres, voisins ou lointains ; on peut aussi étendre la visée à un groupe de textes présentant quelque homogénéité générique. Ces études se différencient des analyses de styles тАФ l'art de juger ou d'écrire тАФ de l'époque classique, en ce qu'elles sont totalement dépourvues de perspectives axiologiques : il s'agit de démontage technique; mais l'objet est en partie le même.

Un domaine négligé, parmi les recherches de ce genre, est celui de la stylistique historique. Cette négligence conduit à enfoncer des portes ouvertes, à dépenser beaucoup d'effort autour, par exemple, de tel emploi d'un démonstratif dans une tragédie de Racine, alors qu'une approche plus large y aurait fait découvrir un simple usage commun à tout un état de langue. Autre conséquence, non moins fâcheuse : le risque de ne plus oser faire de commentaire stylistique sur les textes écrits dans une langue qui n'est plus la nôtre. Il est donc urgent de promouvoir de multiples études synchroniques, comme autant de tranches composant des ensemВнbles articulés sur le devenir historique.

C'est par rapport à ces stylistiques-là que nous proposons ici des éléments de stylistique générale, circonscrits au domaine du français moderne, et orientés vers l'analyse des textes littéraires. Inutile de faire semblant de ne pas savoir ce qu'on cherche : caractériser une manière littéraire à la différence d'une autre, qu'il s'agisse de différence d'auteurs, d'œuvres ou de genres. On pose le postulat suivant : une manière littéraire est le résultat d'une structure langagière. Décrire une structure langagière, c'est démonter les éléments qui la composent, mais auxquels elle ne se réduit pas, et mettre au jour les diverses grilles qui organisent ces éléments. Mais les structures langagières qu'on examine ne sont pas exactement celles de tout acte de langage en situation commune, c'est-à-dire en fonction de communication ou de relation : ce sont celles qui correspondent au régime de littérarité. Les éléments et la grille d'organiВнsation dont la combinaison détermine une manière littéraire donnée sont des faits langagiers envisagés exclusivement par rapport au régime de litВнtérarité. D'autre part, on ne considère que des procédés, des moyens d'exВнpression, des déterminations strictement formelles. Mais aussi, jouant au niveau de la forme de l'expression, le stylistique touche forcément la forme du contenu.

La pratique stylistique ne peut donc être que structurale.

On peut d'abord envisager de quoi est composé le champ stylistique.


9.Texte en cadres de la stylistique.

Toutes ces deux sciences sont unies par le même objet dтАЩétude : LE TEXTE. QuтАЩest-ce que cтАЩest donc un texte? Une certitude, néanmoins. Il n'y a de stylistique que textuelle, ne serait-ce qu'en raison des faits de macrostructure. Souvent, au cours des développements précédents, on a rencontré le texte, véritable espace livré aux manœuvres stylistiques : celles-ci structurent celui-là, qui condiВнtionne la portée de ces manœuvres. C'est dire que se crée une sorte de consubstantialité entre la discipline d'approche, la stylistique, et son domaine privilégié, la littérature. Evidemment, il faut entendre texte au sens large : depuis l'unité qui se donne elle-même comme telle (scène, chapitre, poème), jusqu'à l'oeuvre complète et même à la série généВнrique. La question de l'unité inférieure ne saurait se régler, éventuellement, que par des procédures d'analyse critique: à l'artifice du découpage à fins purement expérimentales (ou résolument extraВнscientifiques, comme dans les contrôles de connaissances), ne saurait correspondre que l'artifice de la construction par l'analyste, de manière à monter une pertinence quelconque dans l'élaboration langagière. Justement, le texte est un montage, par un côté ou par l'autre : montage de structures langagières à la production, y compris montage, plus automatique, des modèles généraux d'expression par rapport aux types fondamentaux de discours; montage de grilles à la réception, y compris montage, plus conscient, des procédures de saisie. Il est possible d'appréhender et de justifier un texte, c'est-à-dire la constitution d'une suite discursive en texte, à partir de chacune des articulations de ce double système de montage : quatre niveaux textuels, ou quatre textes. Ces considérations conduisent à consacrer le caractère scripturaire de la littérature : il est certain qu'un art non-langagier relève d'autres systèmes sémiologiques ; mais le problème posé par l'oralité n'est pas celui d'une littérature orale. L'oralité ne saurait entrer en compte que par le biais de la représentation graphique d'une part, et de la traduction stylistico-phonétique d'autre part, des inflexions sonores propres à telle ou telle manière de locution ; elle ne saurait définir une littérarité, constituer une pratique littéraire spécifique, en lieu et place du scriptuВнraire : une littérature orale est une littérature dont on enregistre par écrit la production. La production fixée, ou les divers états fixés de la production transforment la mobilité des multiples possibles, inhérente à différents actes de paroles, en texte. Le stéréotype de répétitions orales sans cesse renouvelées a vocation textuelle ; la marque indélébile d'une unique prestation exclusivement orale, si elle doit être conservée, a vocation textuelle. Il ne faut donc pas confondre support matériel, variable selon les occurrences et les situations, et attribut essentiel du discours littéraire.

Ces remarques ne doivent pas conduire les amateurs à négliger la composante nucléaire du matériau stylistique : le son, objet privilégié des esthètes qui se jouent dans la substance de l'expression. Mais n'oublions pas non plus que le matériau élémentaire lui-même de la mise en œuvre stylistique est le mot, même si l'unité stylistique expérimentale est le texte. Une fois de plus, c'est dans le dynamisme d'une tension que peut positiveВнment se déployer l'activité du praticien de notre discipline.


10. Notion de style.

La notion de style est déterminante pour évaluer la convenance entre l'objet traité et la forme du discours. Le style, composante centrale de l'élocution dans les genres rhétoriques, devint naturellement une composante tout aussi centrale dans les genres poétiques une fois que ceux-ci furent réinterprétés par référence à ceux-là. Il en résulta que l'étude de la forme des genres poétiques ne fut plus seulement l'étude des moyens d'expression (prose contre vers) ou des modes d'imitation (imitation pure ou récit), mais finit par inclure aussi l'étude des niveaux de langue en convenance avec tel ou tel sujet (ainsi la langue de la tragédie ne saurait se confondre avec celle de la comédie) et accorda une place majeure aux éléments ornementaux que sont les figures de rhétorique, pensées comme un élément essentiel du pouvoir de séduction que l'œuvre littéraire doit posséder à l'instar de tout discours (notamment le judiciaire). Cela aura deux conséquences terminologiques et disciplinaires : d'abord, le mot rhétorique finira par se spécialiser pour signifier moins l'art de persuaВнder en général que l'art d'agencer des figures (ce qui, avec le temps, semblera très formel et contribuera à un discrédit provisoire de la rhétorique) ; ensuite, se dessinera peu à peu le champ d'une discipline qu'on appelle la stylistique, laquelle selon l'éclairage retenu, sera

тАФ étude des moyens d'expression (prosodie, métrique, rythme, etc.) ;

тАФ étude des modes d'imitation et, plus généralement, des formes de chaque genre (d'où la notion de stylistique des genres, visant à identiВнfier les invariants structuraux du texte théâtral, du texte romanesque, du texte poétique, etc.) ;

тАФ étude des niveaux de langue ou, plus souvent, de la langue spécifique de tel ou tel auteur (le style de Racine, le style de Chateaubriand, le style de Proust, etc.) ;

тАФ étude des procédés ornementaux, c'est-à-dire des figures (par exemple, l'étude des images dans un texte).


11. Langue et style

On ne reviendra pas ici sur la définition de la langue pour elle-même ; on rappellera qu'elle se présente comme un système grammatical commun, pour une époque donnée, à l'ensemble des locuteurs d'une même comВнmunauté linguistique. Face à ce système, comment définir le style ?

Marque de la personnalité d'un locuteur dans le discours qu'il prononce (ou qu'il écrit), le style est souvent caractérisé par ses traits distinctifs : il était au XVIIe siècle ce Вл je ne sais quoi В», difficile à définir mais reconnaissable, qui individualisait toute production.

Cette conception se rencontre encore chez O.Cressot, pour qui le style, relevant de la parole, est Вл le choix fait par les usagers dans tous les comportements de la langue В». Ainsi, l'usager du français, désirant communiquer un refus, aura le choix entre : Je ne peux pas, je ne puis, je ne saurais, etc.

Ce choix peut être conscient ou ne pas l'être : il constitue cependant un écart entre la langue et la réalisation individuelle qu'est la parole. Ainsi défini il apparaît comme Вл le choix que tout texte doit opérer parmi un certain nombre de disponibilités contenues dans la langue В». Définir le style consistera donc à dégager les composantes de ce choix. Mais le discours d'un locuteur (d'un écrivain) peut s'accorder plus ou moins au choix conscient de formes grammaticales et syntaxiques : la part peut varier entre l'art qui choisit et la nature qui impose. Pour tenir compte de cela, R.Barthes distingue dans ce que nous avons appelé Вл style В» le style et l'écriture. Langue et style sont, selon Barthes, deux choses qui s'imposent à l'écrivain et dont il n'est pas responsable. La langue est un Вл objet social В» et, comme telle, elle Вл reste en dehors du rituel des Lettres В»; elle est Вл en dehors de la littéВнrature В» .

Le style Вл est presque au-delà В» : Вл Des images, un débit, un lexique naissent Ваdu corps et du passé de l'écrivain et deviennent peu à peu les automatismes mêmes de son art. В». Phénomène d'ordre germinatif, d'origine biologique, le style est Влune nécessité qui noue l'humeur de l'écrivain à son langage В».

A ces deux natures, R. Barthes oppose l'écriture qui résulte d'une intenВнtion et d'un choix ; l'écriture est alors un engagement, une fonction, un Вл acte de la solidarité historique В». Fénelon et Mérimée, par exemple, emploient une langue différente, mais acceptant le même jeu de conventions, il ont la même écriture ; au contraire, Mérimée et Lautréamont utilisent le même état historique du français, mais leurs écritures sont profondément différentes. Langue et style sont des ВлobjetsВ»; l'écriture est une fonction. Elle l'est de trois manières :

a) Elle est un signal : genre littéraire, ton, le texte se désigne comme Влlittérature В» ; l'art de Flaubert perpétué chez Zola fonctionne comme un signal de Вл littéВнrature В» dans le roman prolétarien et révolutionnaire.

b) Elle est une valeur : elle altère le sens des mots auxquels elle donne des valeurs nouvelles ; elle est intimidation, accusation ; démocratie, liberté, ordre, etc. changent de sens selon l'écriture idéologique qui les emploie.

c) Elle est un engagement : elle exprime l'attachement à un ordre, à une classe. Il existe en effet des écritures de classes, des écritures idéologiques; les adopter, c'est par là même affirmer une adhésion.

La langue est, avons-nous dit, l'ensemble des moyens dont disposent pour communiquer les usagers d'une même communauté linguistique. Ces moyens ne forment pas un ensemble homogène, identique malgré les temps, les lieux et les groupes. Au contraire, existent des sous-systèmes qui, dan

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