<< Пред.           стр. 8 (из 58)           След. >>

Список литературы по разделу

  La conversation s'engagea sur un sujet assez plaisant, et soudain le Roi,
 touche par cette main de glace qui depuis quelques semaines s'abattait sur
 son epaule, et le jetait aux pensees graves, exprima une idee qui
 aujourd'hui lui etait familiere, mais qui parut surprenante aux courtisans
 qui l'ecoutaient:
  "Vous ne me connaissez pas maintenant; mais je mourrai un de ces
 jours, et quand vous m'aurez perdu, vous reconnaitrez la difference qu'il
 y a de moi aux autres hommes**."
 Monsieur de Bassompierre dit alors:
  "Sire, ne cesserez-vous donc jamais de nous troubler en nous disant que
 vous mourrez bientot? Vous vivrez, s'il plait a Dieu, bonnes et longues
 annees. Vous n'etes qu'en la fleur de votre age, en une parfaite sante et
 force de corps, plein d'honneurs plus qu'aucun mortel, jouissant en toute
 tranquillite du plus florissant royaume du monde, aime et adore de vos
 sujets. Belle femme, belles maitresses, beaux enfants qui deviennent
 grands, que vous faut-il de plus et qu'avez-vous a desirer davantage?"
  Le Roi se mit a soupirer et repondit simplement: "Mon ami, il faut
 quitter tout cela."
 60
 
 Quel etrange mot mysterieux! Quel sentiment divinatoire, que de regret
 dans ce soupir! Mais la main glacee l'abandonne, l'avenir se ferme a ses
 yeux; et l'on s'etonne qu'ayant jete un tel regard sur son destin, les soucis
 journaliers et les plaisirs communs puissent l'occuper encore.
 JEROME et JEAN THARAJJD. La Tragedie de Ravaillac (19J3).
 Примечания:
  1. Часослов, молитвенник. 2. Герцог Вандомский, Сезар (1594 - 1653) - побочный
 сын Генриха IV, его матерью была Габриель д'Эстре. 3. С Австрийской монархией.
 4. Церковь в нескольких сотнях метров от Лувра. Сохранилась до наших дней
 5. На углу улиц Сен-Жак и Эколь - не сохранилась. 6. Трактир. 7. Фамилия трактир-
 щика. 8. Придворные. 9. Букв, колыбель. Сидение в передней часги кареты, накрытое
 пологом, подобно колыбели.
 Вопросы:
  * Montrer l'effort accompli par les auteurs de cette page pour humaniser la psychologie
 du futur regicide.
 ** Quelle etait cette difference?
  RICHELIEU (1585-1642)
 ET "LES ENNEMIS DE L'ETAT"
 En une phrase, lapidaire, prononcee peu de temps avant sa mort, Richelieu
 s'est juge lui-meme avec lucidite: "Je n'ai jamais eu d'autres ennemis que ceux
 de l'Etat." Quand on songe que ces ennemis n'etaient ni moins nombreux, ni
 moins puissants аи-dedans quau-dehors, et que tous, pourtant, furent
 finalement reduits, on mesure du meme coup l'?uvre du Cardinal: c'est a lui
 qu'il faut rapporter le merite d'avoir assis definitivement l'unite francaise.
 Mais l'aristocratie qu'il mit au pas trouvera un defenseur dans Alfred de Vigny.
 Associant des prejuges de classe et ses convictions personnelles, celui-ci a
 traduit sous une forme melodramatique la domination morale exercee par
 Richelieu sur le faible Louis XIII, notamment lors de la repression du complot
 de trahison ourdi par Cinq-Mars et De Thou.
  "Laissez-moi", dit le Roi d'un ton d'humeur. Le secretaire d'Etat sortit
 lentement. Ce fut alors que Louis XIII se vit tout entier et s'effraya du
 neant qu'il trouvait en lui-meme. Il promena d'abord sa vue sur l'amas de
 papiers qui l'entourait, passant de l'un a l'autre, trouvant partout des
 dangers et ne les trouvant jamais plus grands que dans les ressources
 memes qu'il inventait. II se leva et, changeant de place, se courba ou plutot
 61
 
 se jeta sur une carte geographique de l'Europe; il y trouva toutes ses
 terreurs ensemble, au nord, au midi, au centre de son royaume; les
 revolutions lui apparaissaient comme des Eumenides1; sous chaque
 contree, il crut voir fumer un volcan; il lui semblait entendre les cris de
 detresse des rois qui l'appelaient et les cris de fureur des peuples; il crut
 sentir la terre de France craquer et se fendre sous ses pieds; sa vue faible et
 fatiguee se troubla, sa tete malade fut saisie d'un vertige qui refoula le sang
 vers son c?ur.
  "Richelieu! cria-t-il d'une voix etouffee en agitant une sonnette; qu'on
 appelle le Cardinal!"
 Et il tomba evanoui dans un fauteuil.
  Lorsque le Roi ouvrit les yeux, ranime par les odeurs fortes et les sels
 qu'on lui mit sur les levres et les tempes, il vit un instant des pages, qui se
 retirerent sitot qu'il eut entrouvert ses paupieres, et se retrouva seul avec le
 Cardinal. L'impassible ministre avait fait poser sa chaise longue contre le
 fauteuil du Roi, comme le siege d'un medecin pres du lit de son malade, et
 uxait ses yeux etince-lants et scrutateurs sur le visage pale de Louis. Sitot
 qu'il put l'entendre, il reprit d'une voix sombre son terrible dialogue: "Vous
 m'avez appele, dit-il, que me voulez-vous?"
  Louis, renverse sur l'oreiller, entrouvrit les yeux et le regarda, puis se
 hata de les refermer. Cette tete decharnee, ornee de deux yeux flamboyants
 et terminee par une barbe aigue et blanchatre, cette calotte et ces vetements
 de la couleur du sang et des flammes, tout lui representait un esprit
 infernal. "Regnez, dit-il d'une voix faible.
  - Mais... me livrez-vous Cinq-Mars et de Thou? poursuivit l'implac-
 able ministre en s'approchant pour lire dans les yeux eteints du prince,
 comme un avide heritier poursuit jusque dans la tombe les dernieres lueurs
 de la volonte d'un mourant.
 - Regnez, repeta le Roi en detournant la tete.
  - Signez donc, reprit Richelieu; ce papier porte: "Ceci est ma volonte
 de les prendre morts ou vifs~. "
  Louis, toujours la tete renversee sur le dossier du fauteuil, laissa tomber
 sa main sur le papier fatal et signa. "Laissez-moi, par pitie! Je meurs! dit-il.
  - Ce n'est pas tout encore, continua celui qu'on appelle le grand
 politique; je ne suis pas sur de vous; il me faut dorenavant des garanties et
 des gages. Signez encore ceci, et je vous quitte:
  "Quand le Roi ira voir le Cardinal, les gardes de celui-ci ne quitteront
 pas les armes; et quand le Cardinal ira chez le Roi, ses gardes partageront
 le poste avec ceux de Sa Majeste. "
 62
 
 De plus:
  "Sa Majeste s'engage a remettre les deux Princes ses fils en otages
 entre les mains du Cardinal, comme garantie de la bonne foi de son
 attachement."
 - Mes enfants! s'ecria Louis, relevant sa tete, vous osez....
 - Aimez-vous mieux que je me retire?" dit Richelieu.
 Le Roi signa*.
 ALFRED DE VIGNY. Cinq-Mars (1826).
 Примечания:
 \. В греческой мифологии богини мщения, обитательницы Аида. 2. Vivants.
 Вопросы:
  * Par quels moyens s'exprime le contraste entre la faiblesse tout humaine du roi et
 l'inflexible rigueur du cardinal? - Ce contraste, un peu appuye, ne force-t-il pas la verite
 historique?
 LOUIS XIV, PROTECTEUR DES SCIENCES
 ET DES LETTRES (1638-1715)
 De meme qu'il y a eu un siecle de Pericles et un siecle d'Auguste, il y a un
 "siecle de Louis XIV". C'est-a-dire une epoque (le lumiere, ou les lettres et les
 arts, proteges par un souverain fastueux, connurent une exceptionnelle pro-
 sperite.
 Sans doute des guerres inutiles et, a l'i-nterieur du royaume, une grande misere
 vinrent-elles assombrir les dernieres annees d'un regne jusqu'alors eclatant.
 Mais comment oublier tout ce que le "Roi-Soleil" fit pour les savants, les
 ecrivains, les artistes, les voyageurs meme, ainsi que le rappelle avec fougue
 Voltaire dans sa celebre lettre a Milord Hervey alors Garde des Sceaux
 d'Angleterre?
  Louis XIV songeait a tout; il protegeait les Academies et distinguait
 .ceux qui se signalaient. Il ne prodiguait point ses faveurs a un genre de
 merite a l'exclusion des autres, comme tant de princes qui favorisent non ce
 qui est bon, mais ce qui leur plait; la physique et l'etude de l'Antiquite
 attirerent son attention. Elle ne se ralentit pas meme dans les guerres qu'il
 soutenait contre l'Europe; car en batissant trois cents citadelles, en faisant
 marcher quatre cent mille soldats, il faisait elever l'Observatoire et tracer
 63
 
 une meridienne d'un bout du royaume a l'autre, ouvrage unique dans le
 monde. Il faisait imprimer dans son palais les traductions des bons auteurs
 grecs et latins; il envoyait des geometres et des physiciens au fond de
 l'Afrique et de l'Amerique chercher de nouvelles connaissances. Songez,
 milord. que, sans le voyage et les experiences de ceux qu'il envoya
 a Cayenne1 en 1672, et sans les mesures de M. Picard2 jamais Newton"'
 n'eut fait ses decouvertes sur l'attraction. Regardez, je vous prie, un
 Cassini et un Huygens" qui renoncent tous deux a leur patrie, qu'ils
 honorent, pour venir en France jouir de l'estime et des bienfaits de Louis
 XIV. Et pensez-vous que les Anglais meme ne lui aient pas d'obligation!
 Dites-moi, je vous prie, dans quelle cour Charles II6 puisa tant de politesse
 et tant de gout? Les bons auteurs de Louis XIV n'ont-ils pas ete vos
 modeles? .N'est-ce pas d'eux que votre sage Addison7 l'homme de votre
 nation qui avait le gout le plus sur, a tire souvent ses excellentes critiques?
 L'evoque Burnet8 avoue que ce gout, acquis en France par les courtisans de
 Charles II, reforma chez vous jusqu'a la chaire , malgre la difference de nos
 religions. Tant la saine raison a partout d'empire! Dites-moi si les bons
 livres de ce temps n'ont pas servi a l'education de tous les princes de
 l'empire. Dans quelles cours de l'Allemagne n'a-t-on pas vu de theatres
 francais? Quel prince ne tachait pas d'imiter Louis XIV? Quelle nation ne
 suivait pas alors les modes de la France? (...)
  Enfin la langue francaise, mi-lord, est devenue presque la langue
 universelle. A qui en est-on redevable? etait-elle aussi etendue du temps de
 Henri IV? Non, sans doute; on ne connaissait que l'italien et l'espagnol. Ce
 sont nos excellents ecrivains qui ont fait ce changement. Mais qui
 a protege, employe, encourage ces excellents ecrivains? C'etait M.
 Colberf10, me direz-vous; je l'avoue, et je pretends bien que le ministre doit
 partager la gloire du maitre. Mais qu'eut fait un Colbert sous un autre
 prince? sous votre roi Guillaume1 ' qui n'aimait rien, sous le roi d'Espagne
 Charles II12 sous tant d'autres souverains*? Croiriez-vous bien, milord, que
 Louis XIV a reforme le gout de sa cour en plus d'un genre? il choisit Lulli13
 pour son musicien, et ota le privilege a Cambert14, parce que Cambert etait
 un homme mediocre, et Luili un homme superieur. Il savait distinguer
 l'esprit du genie; il donnait a Quinault'5 les sujets de ses operas; il dirigeait
 les peintures de Lebrun16; il soutenait Boileau, Racine et Moliere contre
 leurs ennemis; il encourageait les arts utiles comme les beaux-arts
 et toujours en connaissance de cause; il pretait de l'argent a Van Robais17
 pour etablir ses manufactures; il avancait des millions a la Compagnie des
 Indes, qu'il avait formee; il donnait des pensions aux savants et aux braves
 64
 
 officiers. Non seulement il s'est fait de grandes choses sous son regne, mais
 c'est lui qui les faisait. Souffrez donc, milord, que je tache d'elever a sa
 gloire un monument que je consacre encore plus a l'utilite du genre
 humain"**.
  VOLTAIRE. Lettre a Milord Hervey (1740).
 Примечания:
  1. Порт во Французской Гвиане (Южная Америка), а также одно из названий этой
 колонии. 2. Пикар, Жан (1620 - 1682) - французский астроном, первым с достаточ-
 ной точностью провел измерения дуги меридиана. 3. Ньютон, Исаак (1642 - 1727) -
 знаменитый английский математик, астроном и физик. 4. Кассини, Жан Доминик
 (Джованни Доминико) (1625 - 1712) - астроном, геодезист, картограф, родился в
 Италии, работал в Париже. Первый директор Парижской Обсерватории. 5. Гюйгенс,
 Христиан (1629-1695) - голландский физик и астроном, в 1665 - 1681 гг. работал
 в Париже. 6. Карл II, (1630 - 1685) - английский король, сын казненного короля Кар-
 ла I, был приглашен на английский трон в 1660 г. после смерти Кромвеля, до этого
 жил в изгнании. 7. Аддисон, Джозеф (1672 - 1719) - английский государственный
 деятель и писатель. 8. Вернет, Джозеф (1643 - 1715) - епископ Солсбери, историк.
 9. Вплоть до церковного красноречия. 10. Кольбер, Жан Батист (1619 - 1683) -
 знаменитый министр Людовика XIV, генеральный контролер финансов. 11. Виль-
 гельм III Оранский (1650 - 1702) - штатгальтер Голландии, в 1689 г. призван на анг-
 лийский трон после свержения династии Стюартов. 12. Карлос II, король Испании,
 правил с 1665 по 1700 г., последний представитель династии Габсбургов. После его
 смерти началась война за "испанское наследство". 13. Люлли, Жан Батист (Джованни
 Баттиста Лулли, 1623 - 1687) - французский композитор. Родился в Италии, с 1646 г.
 жил во Франции. С 1662 г. музыкальный суперинтендант короля. Автор "Психеи".
 "Армиды" и др. 14. Камбер, Робер (1628 - 1687) - французский композитор, музы-
 кальный суперинтендант Анны Австрийской. В 1669 г. получил от Людовика XIV
 привилегию на открытие музыкального театра. В 1672 г. привилегия была передана
 Люлли. 15. Французский поэт Кино (1635 - 1688), автор либретто опер Люлли.
 16. Лебрен, Шарль (1619 - 1690) - французский художник, основатель Академии
 живописи и скульптуры. По его эскизам выполнены многочисленные декоративные
 украшения в Лувре, Версале и др. 17. Владелец знаменитых текстильных мануфактур.
 Вопросы:
  *Се paragraphe ne fait-il pas apparaitre une sorte de chaleur, d'enthousiasme
 patriotique, qu'on n'attendrait guere d'un ecrivain souvent si hostile a l'Ancien Regime?
  **D'apres cette leltre., commentez, l'affirmation de Voltaire "C'est encore plus d'un
 grand roi que j'ecris l'histoire." .
 65
 
 ORIGINE DE "LA MARSEILLAISE (1792)"
 Tout le monde connait les principaux hymnes revolutionnaires: le Ca ira,
 la Carmagnole, le Chant du Depart. Mais, malgre leur succes populaire, aucun
 d'eux ne devait rencontrer la prodigieuse fortune de La Marseillaise, hymne de
 liberte, qui allait, plus tard, devenir l'hymne national des Francais.
  Il y avait alors un jeune officier d'artillerie en garnison a Strasbourg.
 Son nom etait Rouget de Lisie. Il etait ne a Lons-le-Saunier, dans le Jura,
 pays de reverie et d'energie, comme le sont toujours les montagnes. Ce
 jeune homme aimait la guerre comme soldat, la Revolution comme
 penseur. Recherche pour son double talent de musicien et de poete, il
 frequentait regulierement la maison de Dietrich, patriote alsacien, maire de
 Strasbourg; la femme et les jeunes filles de Dietrich partageaient
 l'enthousiasme du patriotisme et. de la Revolution, qui palpitait surtout aux
 frontieres, comme les crispations du corps menace sont plus sensibles aux
 extremites. Elles aimaient le jeune officier, elles inspiraient son c?ur, sa
 poesie, sa musique. Elles executaient les premieres ses pensees a peine
 ecloses, confidentes des balbutiements de son genie.
  C'etait l'hiver de 1792. La disette regnait a Strasbourg. La maison de
 Dietrich etait pauvre, sa table frugale, mais hospitaliere pour Rouget de
 Lisie. Le jeune officier s'y asseyait le soir et le matin comme un fils ou un
 frere de la famille. Un jour qu'il n'y avait eu que du pain de munition' et
 quelques tranches de jambon fume sur la table, Dietrich regarda de Lisie
 avec une serenite triste et lui dit: "L'abondance manque a nos festins; mais
 qu'importe, si l'enthousiasme ne manque a nos fetes civiques et le courage
 aux c?urs de nos soldats! J'ai encore une derniere bouteille de vin dans
 mon cellier. Qu'on l'apporte, dit-il a une de ses filles, et buvons-la a la
 liberte et a la patrie. Strasbourg doit avoir bientot une ceremonie
 patriotique, il faut que de Lisie puise dans ces dernieres gouttes un de ces
 hymnes qui portent dans l'ame du peuple l'ivresse d'ou il a jailli." Les
 jeunes filles applaudirent, apporterent le vin, remplirent le verre de leur
 vieux pere et du jeune officier jusqu'a ce que la liqueur fut epuisee.
  Il etait minuit. La nuit etait froide. De Lisie etait reveur; son c?ur etait
 emu, sa tete echauffee. Le froid le saisit, il rentra chancelant dans sa
 chambre solitaire, chercha lentement l'inspiration, tantot dans les
 palpitations de son ame de citoyen, tantot sur le clavier de son instrument
 d'artiste, composant tantot l'air avant les paroles, tantot les paroles avant
 l'air, et les associant tellement dans sa pensee qu'il ne pouvait savoir lui-
 66
 
 meme lequel, de la note ou du vers, etait ne le premier, et qu'il etait
 impossible de separer la poesie de la musique et le sentiment de
 l'expression. Il chantait tout et n'ecrivait rien*.
  Accable de cette inspiration sublime, il s'endormit la tete sur son
 instrument et ne se reveilla qu'au jour. Les chants de la nuit lui remonterent
 avec peine dans la memoire comme les impressions d'un reve. Il les ecrivit,
 les nota et courut chez Dietrich. Il le trouva dans son jardin, bechant de ses
 propres mains des laitues2 d'hiver. La femme et les filles du vieux patriote
 n'etaient pas encore levees. Dietrich les eveilla, appela quelques amis, tous
 passionnes comme lui pour la musique et capables d'executer la
 composition de de Lisie. La fille ainee de Dietrich accompagnait. Rouget
 chanta. A la premiere strophe, les visages palirent, a la seconde les larmes
 coulerent, aux dernieres le delire de l'enthousiasme eclata. La femme de
 Dietrich, ses filles, le pere, le jeune officier se jeterent en pleurant dans les
 bras les uns des autres. L'hymne de la patrie etait trouve; helas, il devait
 etre aussi l'hymne de la Terreur3 L'infortune Dietrich marcha peu de mois
 apres a l'echafaud, au son de ces notes nees a son foyer, du c?ur de son
 ami et de la voix de ses filles.
  Le nouveau chant, execute quelques jours apres a Strasbourg, vola de
 ville en ville sur tous les orchestres populaires. Marseille l'adopta pour etre
 chante au commencement et a la fin des seances de ses clubs. Les
 Marseillais le repandirent en France en le chantant sur leur route4. De la lui
 vient le nom de Marseillaise. La vieille mere de Lisie, royaliste et
 religieuse, epouvantee du retentissement de la voix de son fils, lui ecrivait:
 "Qu'est-ce donc que cet hymne revolutionnaire que chante une horde" de
 brigands qui traverse la France et auquel on mele notre nom?" De Lisie lui-
 meme, proscrit en qualite de royaliste, l'entendit, en frissonnant, retentir
 comme une menace de mort a ses oreilles en fuyant dans les sentiers des
 Hautes-Alpes. "Comment appelle-t-on cet hymne? demanda-t-il a son
 guide. - La Marseillaise", lui repondit le paysan. C'est ainsi qu'il apprit le
 nom de son propre ouvrage. Il etait poursuivi par l'enthousiasme qu'il avait
 seme derriere lui**.
  LAMARTINE. Histoire des Girondins (1857).
 Примечания:
  1. Солдатский порционный хлеб. 2. Латук, сорт салата. 3. Имеется в виду период
 якобинского террора после падения жирондистов (май 1793 г.) до термидорианского
 переворота и казни Робеспьера (июль 1794 г.) 4. Они шли к северо-восточной границе
 Франции. 5. Орда.
 67
 
 Вопросы:
 * Cette jorme d"inspiration n'est-elle pas deja toute iamartirienne?
 ** Quelle est l'attitude de Lamartine a l'egard de la Revolution, telle qu'on peut
 l'imaginer d'apres cette page?
 LA LEGENDE NAPOLEONIENNE
 On n'est pas force d'aimer Napoleon I (1769 - 1821): on ne peut pas ne
 pas l'admirer. Issu d'une humble famille, originaire d'une ile pauvre entre
 toutes, eleve d'un college qui normalement eut du faire de lui un simple officier,

<< Пред.           стр. 8 (из 58)           След. >>

Список литературы по разделу